Le principal taux de référence pour le crédit en zone euro avait été ramené en septembre au niveau historiquement bas de 0,05 %, et devrait y rester pendant un long moment. L’institution a également estimé qu’il est encore trop tôt pour déployer de nouvelles mesures.
Petit décryptage de cette réunion de l’institution monétaire, que les marchés financiers n’ont guère goûté, puisque les taux d’emprunt en zone euro sont remontés.
La BCE a revu ses prévisions économiques. Et celles-ci sont nettement moins optimistes que les précédentes. L’institution table dorénavant sur une croissance de 0,8 % cette année dans la zone euro, 1 % l’an prochain et 1,5 % en 2016, alors que ses précédentes estimations portaient sur 0,9 %, 1,6 % et 1,9 %.
La BCE voit par ailleurs que l’inflation, qui est tombée à 0,3 % en novembre, se limiter à 0,5 % cette année, puis 0,7 % en 2015 et 1,3 % en 2016. La progression des prix s’annonce donc moindre que ce que l’institution anticipait encore en septembre : 0,9 % puis 1,1 % et 1,4 %. Et, surtout, loin de son objectif théorique de 2 %.
Les perspectives d’inflation pourraient se dégrader encore du fait de la baisse du prix du pétrole, a prévenu M. Draghi.
Malgré ces récents indicateurs décevants sur la conjoncture de la zone euro et l’inflation, la BCE estime qu’il est encore trop tôt pour déployer de nouvelles mesures. C’est ce que prévoyaient les analystes.
Avant d’agir, la BCE attend notamment le résultat du second « TLTRO », ce prêt massif de quatre ans accordé aux banques, qui sera déployé le 11 décembre. Le premier TLTRO, en septembre, avait remporté un succès limité, les banques n’ayant emprunté que 82,6 milliards d’euros. Mais il avait eu lieu avant le résultat des tests de résistance bancaire, que les établissements attendaient avec inquiétude.
La BCE parie donc que le second TLTRO fonctionnera mieux, contribuant dans la foulée à relancer le crédit aux PME.
Ce sombre tableau de l’économie européenne inquiète la Banque centrale. De fait, celle-ci a « intensifié la préparation » de nouvelles mesures de soutien à l’économie de la zone euro, a déclaré M. Draghi. Le conseil des gouverneurs est toujours « unanime » pour mettre celles-ci en œuvre rapidement, a-t-il répété.
La BCE conduira « début 2015 » un examen précis de la situation et de l’effet des mesures déjà à l’œuvre.
En clair, si les TLTRO, la baisse des taux et les achats de créances titrisées (ABS) comme d’obligations sécurisées ne suffisent pas, le conseil des gouverneurs envisagera peut-être de se lancer dans « l’assouplissement quantitatif » (quantitative easing, QE en anglais). Ce dernier consisterait en une politique d’achat de titres publics ou privés à grande échelle, destinés à soutenir l’économie.
Ces derniers jours, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont appelé la BCE à opter sans attendre pour le QE, comme la Réserve fédérale américaine (Fed) avant elle, dans l’espoir que cela enraye le risque déflationniste pesant sur la zone euro.
« Le QE s’est révélé efficace aux États-Unis et au Royaume-Uni », a déclaré M. Draghi, « au Japon, c’est plus compliqué ».
En effet, si les achats de dette publique ont contribué à la reprise outre-Atlantique et outre-Manche, ils n’ont pas encore réussi à tirer définitivement l’archipel nippon du piège déflationniste où il se débat depuis quinze ans.
Certains analystes estiment que la BCE pourrait annoncer un QE à l’européenne dès sa prochaine réunion, le 22 janvier. D’autres jugent qu’elle attendra plutôt celle de mars.
Dans tous les cas, c’est surtout la nature de l’assouplissement quantitatif qui sera déterminante.
Si elle se décide, la BCE achètera-t-elle de la dette publique des États membres, au risque de froisser les sensibilités allemandes ? Des obligations d’entreprises ? Des titres d’institutions parapubliques, comme le Mécanisme européen de stabilité (MES) ?
« Nous avons évoqué plusieurs options d’assouplissement quantitatif, mais il y a encore du travail à faire », a répondu M. Draghi, interrogé sur le sujet pendant la conférence de presse.
Toutes les options sont donc sur la table. Mais une chose est sûre : aussi volontariste soit-elle, la politique monétaire ne suffira pas, à elle seule, à relancer la croissance de la zone euro.
De fait, M. Draghi a une nouvelle fois appeler les États à poursuivre, eux aussi, les réformes structurelles susceptibles de gonfler la croissance potentielle.