22 - 08 - 2016

Baisse des dotations : une si longue histoire… Source : lagazettedescommunes.fr

Voilà bientôt cinq ans que les élus dénoncent les coupes faites dans leurs dotations… Si au départ, il ne s’agissait que d’un « gel », les ponctions sont devenues au cours des années de plus en plus franches, tout comme le verbe des maires, qui aujourd’hui ne cachent plus leur colère. Une mise au régime sec qui n’est pourtant ni nouvelle… ni terminée… Retour sur les réactions des uns et des autres depuis 2011.

 Le ton est donné. Le 13 juillet dernier, Gilles Carrez le président (LR) de la commission des finances de l’Assemblée nationale déclarait :

Essayons d’imaginer ce qu’il pourrait advenir en cas de changement de majorité (en 2017) […] Moi de mon côté, je plaide très clairement pour une poursuite de la baisse des dotations en 2018. On ne pourra pas interrompre la décrue des dotations, on ne pourra pas pour des raisons liées aux finances de l’Etat. Mais il faudra probablement ralentir la baisse, ce de point de vue le chef de l’Etat a montré la voie, et un rythme situé entre un gros milliard et deux milliards d’euros par an semble acceptable.

La DGF au régime sec

« Sans serrage de ceinture, point de salut », tance donc Gilles Carrez. Une mauvaise nouvelle pour les élus locaux qui bataillent sur ce dossier depuis déjà cinq ans, en plaidant que ces baisses, corrélées à une hausse des charges et des dépenses contraintes pour les communes, entraînent inévitablement une baisse de leur épargne qui est répercutée sur l’investissement public. De quoi mettre en péril l’activité économique, sans parler des services qui ne pourront plus être rendus aux citoyens.

Pour prendre un peu de recul, nous vous proposons un flashback sur cette baisse de la DGF et sur les réactions des élus ces dernières années.

2011 : un premier « gel »

C’est sous le mandat de Nicolas Sarkozy qu’est amorcé le premier « gel » en valeur de la DGF. François Baroin, aujourd’hui président de l’Association des maires de France, est alors aux manettes à Bercy. Interrogés sur ce qui les attend, les élus se montrent à ce moment-là plutôt positifs au lendemain d’une très difficile réforme de la taxe professionnelle.

Le sénateur socialiste, Jean-Claude Boulard, explique par exemple : « Faut vivre avec, vous avez vu le déficit abyssal de l’Etat. Non, ce que je reproche le plus à l’Etat c’est d’avoir supprimé certaines ressources des communes […] Autant cela se comprenait d’avoir supprimé certaines charges sur le secteur industriel menacé de délocalisation… mais on a allégé l’impôt économique sur plein de secteurs qui ne vont pas aller travailler à Shangaï. L’ensemble du BTP, les banques, etc. »

Et puis, il y avait aussi les « optimistes », à l’image de Victor Chomentowski, consultant économique, qui ne voyait dans ce processus qu’ « une pause qui n’allait pas durer ».

2012 : une légère baisse

C’est la première « petite » baisse de la DGF. Elle s’élève alors à environ 200 millions d’euros et c’est peu dire que la douloureuse a du mal à passer auprès des élus… qui avaient réservé à François Fillon un accueil houleux lors du Congrès des maires de novembre 2011.

« Il est indispensable que les collectivités locales qui représentent un peu plus de 20% de la dépense publique y participent [ndrl : à l’effort]. Et dire cela, ce n’est en aucun cas mettre en accusation les collectivités, l’Etat étant au demeurant mal placé pour être juge […] Depuis plusieurs années, l’Etat s’endette notamment pour financer les dotations de fonctionnement qu’il verse aux collectivités », lance le Premier ministre de l’époque au pupitre, hué par des élus remontés.

Interrogés dans les couloirs du congrès, les élus, comme Valérie Fourneyron, maire socialiste de Rouen, laissent poindre leurs inquiétudes, arguant que sans liquidités, « les collectivités auront du mal à investir et à tirer l’emploi vers le haut ».

2013 : retour au « gel »

Touchera, touchera pas à la DGF ? Le candidat Hollande avait promis de ne pas s’y attaquer… Mais, au final, il revient à la situation antérieure et « gèle » de nouveau la DGF pour l’année 2013. Au congrès, qui se tient en novembre 2012 quelque six mois après l’élection, le président Hollande parlera surtout de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires…  L’Association des maires de France monte néanmoins au créneau avec toujours ce même argumentaire : baisse des dotations contre transfert des charges égal danger pour l’investissement public !

Les maires et présidents de communautés de France sont conscients de la gravité de la situation économique et financière du pays et prêts à apporter leur contribution à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Toutefois, l’Association des maires de France rappelle que les collectivités locales subiront en 2013, pour la 3ème année consécutive, le gel des dotations en euro courant, ce qui représente une diminution des ressources conséquente pour nombre de collectivités. A titre d’exemple, le prélèvement opéré sur la dotation de garantie, afin de financer la péréquation verticale (DSU, DSR et DNP), aboutit à une diminution de cette dotation de 6 % par an depuis 3 ans pour plusieurs milliers de communes. Cet effort est d’autant plus important que les dépenses des collectivités continuent d’augmenter, sous l’effet notamment de normes ou de transferts de charges.

Mais déjà pointent les inquiétudes pour le futur, en l’occurrence 2014, avec une baisse programmée des dotations en deux temps (750 millions d’euros en 2014, puis à nouveau 750 millions d’euros en 2015).

2014 : la douche froide, – 1,5 milliard d’euros !

Toute l’année 2013 avait bruissé de cette rumeur sur une forte baisse pour 2014. L’AMF avait à plusieurs reprises sonné la charge contre le gouvernement, multipliant les communiqués à ce sujet – au départ il ne s’agissait que de 750 millions d’euros – et réclamant en urgence un pacte financier, afin que les collectivités locales puissent y voir clair dans leur budget au plus vite.

« L’AMF demande par ailleurs que l’État ouvre au plus vite la concertation sur l’évolution des concours financiers pour les années 2014-2015 afin de donner aux collectivités davantage de visibilité pour la période à venir. Les communes et communautés sont d’ailleurs en pleine période de préparation budgétaire. Elles doivent effectuer leurs arbitrages financiers dans une situation marquée par la baisse des concours financiers de l’État, à hauteur de 750 millions d’euros par an à partir de 2014, alors même que les marges de manœuvres fiscales se réduisent. » peut-on lire dans le communiqué du 31 janvier 2013.

Mais dès le mois de février, la note s’alourdit et passe à 1,5 milliard d’euros.

Interrogé par La Gazette, à la veille du congrès des maires de novembre 2013, Jacques Pélissard, le président de l’AMF, détaille ce qui, selon lui, risque de se produire avec cette forte pression mise sur la DGF : « Face à cet effet ciseaux, nous disposons de trois moyens pour continuer à gérer nos communes : les frais de fonctionnement, qui sont difficile à maîtriser, car la masse salariale est caractérisée par son manque total d’élasticité. Heureusement pour eux, les agents disposent d’un statut et ne peuvent être remerciés comme cela. Alors qu’est-ce qui est élastique ? Sauf à emprunter plus ou à augmenter les impôts – alors que nos concitoyens n’en peuvent plus – la seule variable d’ajustement, c’est l’investissement. Au cours des dernières années, les régions et les départements ont réduit leurs investissements. Seul le bloc local est parvenu à les maintenir. Si nous les réduisons nous aussi, cela va poser des difficultés pour l’économie française dans son ensemble, avec des répercussions dramatiques sur l’emploi local. »

2015 : une baisse « insoutenable » de 3,7 milliards d’euros

Le couperet est en effet tombé juste après les élections municipales de 2014 : Manuel Valls, Premier ministre, annonce une baisse des dotations de 11 milliards d’euros sur trois ans : 2015, 2016,  2017.

Une ponction « insoutenable » et « terriblement injuste » dénonce François Baroin au congrès des maires :

Les collectivités sont les seules qui subissent une baisse réelle de leurs crédits, au contraire des organismes sociaux et de l’Etat. » Très applaudi, le nouveau président de l’AMF a continué sur sa lancée. « Alors que nous ne représentons que 9,5 % de la dette publique, vous nous demandez une contribution de 25 % de l’effort de réduction des déficits publics […] Il est tout de même curieux qu’au moment où l’Etat vante le mérite d’une pause fiscale pour lui-même, il contraigne les collectivités locales à recourir à l’impôt pour faire face à la diminution des dotations ou assumer de nouvelles charges comme la gestion des milieux aquatiques.

Au congrès des maires de novembre 2014, les élus expliquent que « forcément ils vont réduire la voilure » en matière d’investissement public. « On va être obligé d’abandonner un certain nombre de projets, c’est sûr », lance Lucien Barge, maire de Jonage dans le Rhône. Même constat pour Guy Marty, maire de Sainte-Terre en Gironde, « on a moins de recettes et on ne pourra pas pressurer plus nos administrés au niveau des impôts locaux, donc c’est sûr on sera obligé de faire moins en investissement. »

2016 : deuxième ponction de 3,7 milliards d’euros

Pour la deuxième année consécutive, les collectivités encaissent une forte baisse des dotations et les premiers résultats du 21ème rapport de  l’Observatoire des finances locales laissent effectivement apparaître des situations très contrastées selon les types de collectivités.

« Si toutes les collectivités ont encaissé la seconde année de baisse des dotations, les départements et les régions ont bénéficié de fortes rentrées fiscales via la TICPE, la CVAE et les DMTO même si ces ressources sont très inégalement réparties sur le territoire et bénéficient d’abord aux territoires déjà dynamiques. De son côté, le bloc communal a malgré tout pu s’appuyer sur une hausse de 3,9 % de ses recettes fiscales. Néanmoins, les taux moyens d’imposition de la taxe d’habitation et du foncier bâti ont moins progressé que lors des précédents cycles électoraux. Un indicateur qui ne prend pas en compte les politiques d’abattement et d’exonération. » pouvait-on lire dans les colonnes de La Gazette suite à la parution de ces résultats.

2017 : le ralentissement de la baisse… mais des maires toujours aussi inquiets

Pour ce dernier congrès des maires avant l’élection présidentielle de 2017, c’est le président de la République en personne qui s’est présenté devant des maires plutôt remontés début juin 2016 !

Après un lobbying de bon aloi de la part de l’AMF, plaidant la cause de ces communes si durement ponctionnées, François Hollande fait un geste : il annonce une réduction de moitié de la baisse des dotations au bloc communal pour l’exercice 2017.

En clair, la baisse des dotations aux communes et intercommunalités l’an prochain s’élèvera à environ un milliard d’euros au lieu de deux ! Après deux années de disette budgétaire, la nouvelle est accueillie très fraîchement dans les allées du congrès par les maires.

« Enfumage généralisé », grogne ainsi Jean-Claude Castel, maire (LR) de Corbières commune de 1000 habitants dans les Alpes-de-Haute-Provence, « il lâche un milliard d’euros, mais c’est encore moins un milliard d’euros et comme nous sommes tous en faillite, je ne sais pas comment on va faire ! ».

La posture de François Hollande est néanmoins saluée par le président de la commission Finances de l’Assemblée nationale, le républicain Gilles Carrez, pour qui : « De ce point de vue le chef de l’Etat a montré la voie, et un rythme situé entre un gros milliard et deux milliards d’euros par an semble acceptable » à l’avenir.

2018 : la grande inconnue ?

Que va t-il se passer pour la DGF en 2018, notamment en cas de changement de majorité à la tête de l’Etat ? Si Gilles Carrez semble avoir son idée, il est clair qu’à droite la question est jugée épineuse.

En effet, la plupart des candidats à la primaire de la droite et du centre se sont engagés, s’ils étaient élus, à réduire encore plus les dépenses publiques – à hauteur de 100 milliards d’euros sur 5 ans. Pour mémoire, François Hollande ne s’était lui engagé que sur 50 milliards d’euros sur 3 ans.

Mais comment réussir cette prouesse sans toucher aux dotations ? Mission quasi-impossible. Il reste qu’afficher ostensiblement sa volonté de « taper » dans les bas de laine des collectivités en pleine campagne électorale n’étant pas une très bonne stratégie, la plupart des candidats de la droite, restent assez flous sur ce point se contentant de dénoncer la « brutalité » de la baisse imposée par la gauche ces trois dernières années.

Seul François Fillon avait déclaré sans ambiguïté en novembre dernier dans l’Express : « Je comprends donc cette colère mais, en même temps, je dis à mes amis : les collectivités locales doivent réfléchir avec l’Etat à la baisse de leurs dépenses. Elle est inévitable si on veut réduire les déficits publics. »