10 - 11 - 2014

La baisse de l’euro, symbole d’une guerre des changes qui s’intensifie. Source : lesechos.fr

La monnaie unique a confirmé son entrée durable dans le club des devises faibles avec l’assentiment de la BCE.
Peu de monnaies vont pouvoir rester neutres encore longtemps si la guerre des changes s’étend et s’aggrave.

La baisse l'euro, symbole d'une guerre changes s'intensifie

Désormais juste au-dessus de 1,24 dollar, l’euro a continué de s’enfoncer à la faveur de l’activisme de la Banque centrale européenne (BCE). Son engagement indéfectible et renouvelé à combattre le risque de déflation a une fois de plus convaincu les marchés de vendre la monnaie unique. Et la baisse est, selon eux, loin d’être finie d’après un sondage réalisé par SG CIB juste avant la dernière réunion de la BCE. Les deux tiers des 340 professionnels interrogés estiment que la Banque centrale européenne vise implicitement un niveau de 1,20 à 1,15 dollar pour sa monnaie. Autant dire qu’ils voient la BCE rompre avec la neutralité qui l’a longtemps caractérisée dans la guerre des changes. Ils anticipent, à une écrasante majorité (90 %), que la monnaie unique sera inférieure ou égale à 1,20 dollar l’année prochaine.

Seuil fatidique

L’affaiblissement de l’euro met de nouveau sous pression une autre banque centrale, la Banque nationale suisse (BNS). Celle-ci ne souhaite pas que l’euro descende sous le plancher de 1,20 franc suisse par euro, qu’il a établi en septembre 2011 et défendu depuis avec « la plus totale détermination », selon l’expression consacrée. Or à 1,2037 franc suisse, l’euro est aujourd’hui proche de ce seuil fatidique. La BNS n’a pour l’instant pas réagi aux différentes annonces de la BCE depuis septembre. Certains stratèges estiment qu’elle pourrait le faire avant la fin de l’année. Engagées comme la BNS dans une véritable guerre de tranchées, les banques centrales tchèque et danoise doivent éviter que leur devise remonte.

A part quelques pays belliqueux assumés (Japon, Chine, Suisse…) qui ne font pas mystère de cibler directement l’affaiblissement de leurs monnaies, les autres font généralement preuve de davantage de diplomatie et prudence. Ils martèlent que la baisse de leur monnaie est une conséquence heureuse de leur politique plus qu’un objectif en soit. Mais même parmi les pays « combattants » de la première heure, l’action sur le change peut faire débat. En effet, la dernière décision de la Banque du Japon d’assouplir sa politique, fut très contestée, avec 5 voix « pour » et 4 « contre », une rareté. Est-ce le signe d’une brèche dans l’union sacrée pour un yen faible compte tenu de son impact décevant sur les exportations et l’inflation ?

En effet, la guerre des changes est plus ou moins efficace selon les contextes et pays, d’après des travaux (1). Ainsi, 1 dollar dépensé dans la guerre des changes pour affaiblir sa monnaie augmente l’excédent courant du pays concerné de 18 à 66 cents. La guerre des changes n’est pas toujours la panacée, mais pour certains le non-interventionnisme est perçu comme intenable du fait de son prix élevé à terme, des pertes d’emplois massives et la détérioration du commerce extérieur. Les Etats-Unis pourraient faire les frais de la vigueur du dollar. Mais le billet vert « est encore au-dessous de sa moyenne de long terme (depuis 1973), et sa valorisation ne constitue pas encore un handicap de compétitivité pour son économie », souligne Jens Nordvig, responsable de la stratégie sur les changes à la banque Nomura. Celui-ci s’attend à une poursuite de la progression du dollar, à savoir un gain de 4 à 8 % dans les douze prochains mois.