31 - 10 - 2014

Cette nuit en Asie : la Banque du Japon tente le tout pour le tout. Source : lesechos.fr

C’est une énorme surprise : la Banque du Japon a décidé de doper son gigantesque programme d’assouplissement quantitatif.

 

La Banque du Japon (BoJ) vient de surprendre la quasi-totalité des investisseurs et des analystes en annonçant à l’issue d’une réunion de son comité de politique monétaire, qu’elle avait décider de doper son programme d’assouplissement quantitatif déjà jugé gigantesque par les économistes. Le yen a immédiatement plongé face au dollar à son plus bas niveau des sept dernières années. Un billet vert permet maintenant d’acheter plus de 110,6 yens. L’institution, qui a lancé, depuis avril 2013, une stratégie monétaire audacieuse afin de tenter de faire sortir le Japon d’une spirale déflationniste qui déprime son économie, se propose d’augmenter encore le volume des rachats d’actifs qu’elle effectue, chaque mois, depuis deux ans et demi sur les marchés japonais. Jusqu’ici, la Banque avait pour objectif de racheter chaque année entre 60.000 et 70.000 milliards de yens de titres – essentiellement des obligations d’Etat – sur les places japonaises. Désormais cet objectif annuel va être porté à au moins 80.000 milliards de yens. Avec ces rachats de bons du Trésor, la BoJ espère assécher quasi-totalement le marché obligataire sur lequel les banques commerciales aimaient traditionnellement placer leur argent plutôt que de prêter aux entreprises et aux particuliers. Sans option d’investissement alternative, les établissements bancaires sont, théoriquement, censées se montrer désormais plus généreux en prêts avec les acteurs économiques. L’activité pourrait, selon les manuels d’économie, en profiter. Et une hausse des prix soutenue doit être alimentée. La BoJ a promis qu’elle réussirait à générer un rythme d’inflation d’au moins 2% d’ici la fin de 2015. En décidant aujourd’hui de doper son programme d’assouplissement quantitatif, la BoJ montre qu’elle est, pour le moment, déçue par l’impact réel de ses achats de titres. Les encours de prêts stagnent. La croissance est également malmenée : la Banque centrale du Japon a fortement revu à la baisse sa prévision de croissance. La BoJ, table à présent sur une croissance de 0,5% pour l’année en cours (avril 2014 à mars 2015), contre 1% annoncé en juillet et 1,4% précédemment. L’inflation n’étant pour l’instant alimentée artificiellement que par la chute du yen qui renchérit le prix de toutes les marchandises importées et par la hausse de TVA. Ce matin, le gouvernement japonais avait indiqué que la hausse des prix continuait de ralentir dans le pays. En septembre, les autorités avaient annoncé une progression, en glissement annuel, de 3,0% des prix à la consommation hors denrées périssables mais comprenant les produits pétroliers, contre 3,1% en août. A la clôture ce matin, le Nikkei bondissait de 4,83%.

Le gigantesque fonds public de pension japonais à l’assaut des bourses de la planète

Maintes fois annoncée et digérée par les marchés de la planète, la “révolution” du Fonds de réserve japonais des régimes de retraites publiques, le GPIF, serait sur le point d’être finalement enclenchée. Pressé depuis des mois par le gouvernement de Shinzo Abe de se montrer plus audacieux avec sa gigantesque “fortune” de 1.200 milliards de dollars d’actifs, le fonds de pension doit officiellement accepter aujourd’hui de réorganiser son portefeuille d’investissements. Le ministère de la santé qui supervise la structure devrait valider dans la journée la révision de ses objectifs stratégiques. Jusqu’ici, le GPIF consacrait plus de 60% de ses fonds à des achats d’obligations d’Etat japonaises peu risquées mais peu rémunératrices et limitait ses placements sur les marchés actions japonais et occidentaux jugés trop incertains pour miser les cotisations des travailleurs du pays. En théorie, seuls 24% des fonds servaient ainsi à acheter des titres d’entreprises cotées à Tokyo ou sur des marchés étrangers. Désormais, le GPIF va s’efforcer de réduire la part de ses placements en obligations à un niveau de 35% des montants totaux qu’il gère et va progressivement placer 50% de sa fortune sur le marché action. Son portefeuille d’actifs devra, à moyen terme, comporter 25% d’actions japonaises et 25% d’actions étrangères. Le reste des sommes disponibles, soit 15% du volume total, sera consacré à l’acquisition d’obligations souveraines étrangères. Ce ratio n’était pour l’instant que de 11%. Naturellement, la bourse de Tokyo, qui se cherche actuellement des raisons de doper ses cours, s’est enthousiasmé dans la matinée. Les investisseurs ayant lu très tôt dans la presse les “fuites” annonçant la probable réallocation des actifs du GPIF. A la mi-journée, avant l’annonce de la Banque du Japon, l’indice Nikkei 225 progressait de 1,3%. L’euphorie sur ce projet reste toutefois mesurée car les acteurs du marché ont intégré depuis des mois cette réorganisation en accumulant les titres de grands groupes et beaucoup notent que les ratios théoriques d’investissement du GPIF ne sont déjà plus respectés. La baisse du yen a, par exemple, déjà gonflé le taux de détention de titres étrangers. Le même titre acheté en dollars ou en euros valant mathématiquement plus lorsqu’il est exprimé en yen. La gigantesque vague d’investissement promise sur les bourses de la planète sera donc probablement progressive et mesurée.

Situation tendue à la frontière Sino-indienne

Le porte-parole du ministère chinois de la Défense a demandé, hier soir, aux autorités indiennes de ne pas prendre de mesures susceptibles de compliquer la situation sur la frontière commune aux deux pays, objet d’un litige territorial entre les deux géants d’Asie depuis la courte mais violente guerre qu’ils se sont livrée en 1962. Cette déclaration chinoise est la réaction au projet indien de construire 54 postes frontières dans cette zone. Mais le projet de New Delhi s’explique par la situation tendue sur place : au cours du dernier mois, selon des témoignages locaux, l’armée chinoise aurait multiplié les incursions dans les territoires litigieux. Des frictions ont eu lieu, impliquant des hélicoptères. Alors que l’attention des observateurs internationaux est focalisée sur les agissements de Pékin en mer de Chine, le pays semble également déterminé à pousser ses pions sur son flanc ouest. Il y aurait eu, selon New Delhi, plus de 400 incursions l’an dernier contre 213 en 2011. Ce matin, le « Quotidien du peuple » rappelait que l’armée de l’air indienne interdit à ses membres l’usage de téléphones de marques chinoises. Cet épisode illustre toute l’ambiguïté de la relation sino-indienne. Si les deux pays affichent une volonté de rapprochement au plan politique, ils continuent en réalité de s’envisager sous l’angle de la rivalité.