15 - 11 - 2014

Réforme territoriale : comment ont fait les autres pays européens ? Source : lalettreducadre.fr

À l’heure où le gouvernement tâche, non sans quelques résistances, de procéder à une grande réforme territoriale, regardons chez nos voisins européens : sont-ils nombreux à avoir entamé une réforme, à un moment ou un autre, de leur organisation administrative ? Et dans quelle mesure ?

28 pays au sein de l’UE, 28 organisations administratives et territoriales : il n’y en a pas deux identiques. Ces structures ont souvent été pensées quelques siècles en arrière et n’ont connu que peu de retouches. En posant les bases de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, les États membres n’auront même pas tenté de s’harmoniser ; toutefois, en instaurant dès 1957 le premier des fonds de la politique régionale, une tendance était donnée.

La recherche d’une autonomie financière
En s’appuyant sur les fonds structurels européens, l’Union européenne développait une politique régionale qui a produit, sinon un référentiel commun, du moins l’appropriation de l’emploi d’une même sémantique par les États membres : autonomie financière, libre administration, subsidiarité, péréquation…
Certains pays, comme la Hongrie, ont spécifiquement revu leur organisation pour obtenir ces financements de la politique régionale européenne, nous explique le recteur à l’Université de Paris IV Sorbonne, démographe et géographe Gérard-François Dumont* : « la Hongrie avait vingt départements de la taille des départements français. Elle les a conservés, mais elle a mis en place une organisation administrative en sept régions. Ces régions ne disposent pas d’élus, il s’agit simplement d’un cadre administratif pour percevoir les financements de l’UE. »

Retrouver une organisation historique
Un autre événement a bouleversé la donne : la chute des régimes communistes. « Le pouvoir avait essayé de faire table rase de l’organisation historique des différents pays » détaille Gérard-François Dumont. « Dès la fin du communisme, la Pologne a par exemple souhaité retrouver son organisation régionale telle qu’elle existait auparavant. La République Tchèque a connu le même phénomène, qui est d’ailleurs bien mis en évidence par le fait que les régions utilisent les écussons traditionnels tels qu’ils existaient avant la période communiste. »

Un nombre variable d’échelons
Mais le nombre des échelons est-il un point de fixation légitime ? Depuis la chute du communisme, outre les travaux actuellement engagés en France, aucun pays européen n’a souhaité abolir un niveau de collectivité au profit d’un autre. Les provinces danoises ont bien été supprimées, mais elles ont été regroupées en régions plus autonomes vis-à-vis des municipalités et dotées de compétences élargies, notamment en matière de santé.

Portugal et Royaume-Uni eux, ont choisi de laisser coexister deux échelons municipaux : l’un en charge des compétences dites techniques, l’autre de l’animation de la vie de la collectivité et de tisser les solidarités.

En Belgique, régions et communautés, institutions toutes deux de rang régional, ont des compétences exclusives l’une vis-à-vis de l’autre, mais chacune noue des partenariats avec les provinces et les communes selon leur domaine de compétence.

En Allemagne, « ce n’est pas le gouvernement de Berlin qui décide des aménagements des territoires régionaux » explique Gérard-François Dumont, « mais chaque Land est maître de la décision de l’organisation de son territoire régional. Dans ce cadre-là, certains Länder allemands ont effectivement encouragé l’intercommunalité, d’autres au contraire n’ont pas souhaité aller vers davantage d’intercommunalité, donc chaque situation est différente. Il en résulte des organisations territoriales diversifiées, avec parfois une grande variété institutionnelle, comme pour la Land de Bavière. »

Toutes ces organisations sont essentiellement le fruit de l’Histoire, et au fond, l’UE n’a que très peu bouleversé la donne. Reste une idée, quand une réforme de plus ou moins grande envergure est réalisée en Europe : ce n’est jamais très efficace de décider du centre.

 

La crise, un facteur de rationalisation
Si des modèles très différents coexistent, la crise économique de 2008 a poussé les pays à repenser l’organisation territoriale, dans un souci de rationalisation et de mutualisation des moyens. Sept pays de l’UE comptent trois niveaux de collectivité, et plusieurs d’entre eux ont choisi de faire évoluer l’échelon intermédiaire.
L’Angleterre a engagé une disparition progressive de ses comtés, l’Italie projette de regrouper ses provinces pour qu’elles passent de 110 à 60, et la Belgique a diminué les compétences et le nombre d’élus de ses provinces. S’il n’est pas question, à l’heure actuelle en France, de toucher aux nombreuses communes, d’autres pays se sont engagés dans un mouvement de fusion. En Grèce, le nombre de communes a été divisé par trois en 2011, passant de 1 034 à 325.
En Allemagne, ce chiffre a baissé de 7 % en 4 ans ; au Luxembourg, il devrait diminuer de 40 % d’ici 2017.Outre les fusions, la coopération intercommunale est de plus en plus encouragée par les gouvernements. À partir de 2015, les communes italiennes de moins de 5 000 habitants devront réaliser des achats groupés ; en Irlande, elles sont incitées à mettre en place des services partagés pour la gestion des déchets, de l’eau, le recouvrement des loyers.

Nombre de collectivités territoriales dans les 15 États membres les plus peuplés de l’Union européenne
Au sein de l’Union européenne, l’Allemagne, Autriche, Belgique ont une structure fédérale, l’Espagne a une structure quasi fédérale. Les autres pays sont unitaires. 11 pays ont un seul échelon de collectivités locales : le niveau communal. 9 comptent communes et régions et 7 pays ont trois niveaux de collectivités.