Attendue depuis des mois, sans être forcément souhaitée ou espérée, la remontée des taux d’intérêt se confirme. Amorcée aux Etats-Unis, quand gagnera-t-elle réellement l’Europe ? Jean-Paul Betbeze décrypte le contexte actuel qui permet de relativiser l’inquiétude précédant souvent une hausse des taux.
Vendredi 2 février : 200.000 nouveaux emplois créés en janvier aux Etats-Unis, contre 180.000 prévus, un taux de chômage à 4,1% et surtout une hausse du salaire horaire à 2,9% sur un an, suite à +2,7% en décembre. Le plein emploi s’installe, avec des salaires en accélération, sachant que des compagnies ont annoncé des hausses de salaires suite à la baisse des impôts décidée par Donald Trump. Le risque inflationniste américain se réveille.
Vendredi 2 février, immédiatement après cette annonce (le mouvement va se poursuivre), il faut compter 2,82% pour les bons à 10 ans du trésor américain, 3,01% pour ceux à 30 ans, 0,75% pour les bons à 10 ans allemands et 1,01% pour les français. La hausse des rendements est en cours et s’accélère. En effet, début janvier, les mêmes bons américains à 10 ans rapportaient 2,4%, les allemands : 0,43% et les français : 0,8%. Mais c’est excessif de s’inquiéter, va-t-on nous dire !
42 points de base en plus pour les bons Etats-Unis, 21 pour la France sur un mois : ce n’est pas si grave. Sauf si on raisonne en pourcentage, et que l’on dit que les taux à 10 ans ont augmenté de 17,5% en un mois aux Etats-Unis, et de 26,3% en France ! Ajoutons que la banque centrale du Japon vient d’intervenir pour racheter de manière illimitée des bons de 5 et 10 ans de manière à les faire repasser de 0,1% à 0,09% ! Objectif 0% !
En réalité, la hausse des taux longs est en cours depuis septembre dernier. Elle s’accélère, avec la croissance d’abord – la crise de 2007 est derrière nous, avec la fin du quantitative easing aux Etats-Unis et proche en zone-euro, avec les hausses de taux d’intérêt aux Etats-Unis, avec le processus inflationniste, lent mais lancé aux Etats-Unis, enfin avec les baisses d’impôts décidées par Donald Trump.
Le message global des taux longs est donc plutôt positif : ils montent parce que la situation s’améliore, encore et toujours. C’est bien pourquoi ils montent, au moins au début, avec la Bourse – même si rien n’est mécanique en ce domaine. La preuve : la hausse surprise de l’emploi et surtout de l’inflation américaine ce vendredi 2 février pèse sur toutes les Bourses ! Et, en zone euro, les taux longs montent plus nettement, parce que l’expansion y est plus récente qu’aux Etats-Unis (et sans inflation).
Il faudra à Jerome Powell, le successeur de Janet Yellen à la Fed ce 2 février, du doigté pour calmer le jeu. La Fed vient de publier le 31 janvier qu’elle constate une croissance plus forte(at a solid rate) et attend 2% d’inflation, stabilisée, sous un an. Les marchés attendent donc, dès la prise de pouvoir de Jay Powell, trois hausses de taux en 2018, au moins. C’est aussi ce qui fait monter les bons à 2 ans à 2,17%. Surtout, les marchés attendent sa méthode, sa forward guidance personnelle. Et en zone euro, où la croissance accélère partout, ils se disent que le quantitative easing de Mario Draghi devra bien cesser un jour, à la fin de cette année, avec l’idée qu’elle peine à faire repartir l’emploi, les salaires et l’inflation, d’autant plus si l’euro se renforce.
Donc, les taux longs américains montent avec le réveil inflationniste, plus le creusement du déficit budgétaire (effet du tax cut de Donald Trump) : ils craignent la surchauffe. Les taux longs montent en zone euro, d’abord parce que les taux américains les font monter, plus l’expansion forte de la zone, mais sans souci d’inflation. Ce n’est donc pas si grave : c’est la surprise de ceux qui rêvaient à la mort de l’inflation !
Jean-Paul Betbeze est membre du Cercle des économistes et fondateur de BETBEZE conseils.
Jean-Paul Betbèze, membre du Cercle des Economistes