Mario Draghi doit faire ce jeudi le service après-vente du « quantitative easing » . Après avoir dégainé en janvier le QE, un assouplissement monétaire au sens large destiné à contrer le risque de déflation en zone euro et à stimuler la croissance, le président de la Banque centrale européenne a l’occasion de démontrer la cohérence de son audacieuse politique monétaire. Pour cela, il s’appuiera sur les dernières projections maison portant sur les évolutions économiques prolongées à l’horizon 2017. S’agissant en particulier des taux d’inflation, l’exercice de communication va exiger la plus grande clarté afin de ne pas prêter à de nouvelles spéculations sur le bon dosage et la durée du QE.
Depuis la publication des précédentes projections en décembre 2014, le rythme de croissance a montré des signes d’accélération en zone euro. En ajoutant la chute continue de l’euro face au dollar et le cours encore très bas des prix du pétrole, les prévisions de croissance du PIB pour 2015 (1,0 %) semblent déjà conservatrices. L’inflation a en revanche connu des valeurs négatives (– 0,6 % en janvier et – 0,3 % en février), de sorte qu’une détérioration de la prévision est attendue cette année, de 0,7 % vers une valeur proche de 0 % (c’est la nouvelle prévision de Bercy pour la France, par exemple), voire négative… avant de nettement rebondir en 2017.
Pour Mario Draghi, voilà de quoi justifier à nouveau le timing et l’ampleur choisis pour lancer le QE. Même si, comme le note Gilles Moec, chez Bank of Amerika, « certains s’inquiètent d’une BCE qui en ferait trop, suggérant que l’amélioration de la situation économique est si forte que cela rendrait le QE inutile ». L’économiste ne partage pas cette vue, invoquant le principe de cohérence. « Le 22 janvier, la BCE nous a dit que 60 milliards d’euros d’interventions par mois, de mars 2015 à septembre 2016, étaient nécessaires pour parvenir à la stabilité des prix [un taux d’inflation inférieur à 2 %, NDLR]. Il ne serait donc pas étonnant que la BCE affiche une projection proche de cet objectif en 2017. »
A l’inverse, si la prévision d’inflation sur le moyen terme s’avérait trop éloignée des 2 %, les marchés pourraient l’interpréter comme le signe d’un probable prolongement du QE au-delà du terme prévu. Or, les minutes du Conseil de la BCE publiées pour la première fois en février ont montré combien l’institution était sensible aux attentes des marchés. Pour éviter de créer un climat de confusion qu’il serait difficile par la suite de dissiper, la BCE devrait annoncer un taux d’inflation moyen de 1,8 % pour 2017, estime la banque Sal. Oppenheim. Ainsi, il serait démontré que le QE a été bien dosé et qu’il n’y a pas de corrections à envisager. Christian Schulz, chez Berenberg Bank, abonde dans le même sens : « Il n’y a aucune raison d’envisager de réduire le rythme prévu du QE. Sinon, la BCE devrait revoir ses prévisions économiques à la baisse. »
Le cap prévu pour l’inflation à moyen terme sera à considérer au sein d’une fourchette pour tenir compte d’erreurs inévitables. La première a reposé dans le passé sur les prix du pétrole. Les prévisionnistes de la BCE se fient au prix des contrats à terme sur le baril de brent. Ce prix, fixé vendredi dernier à 62 dollars, devrait lentement progresser jusqu’à 74 dollars à fin 2017. Mais il est connu que les prix des contrats à terme sur le pétrole ne sont pas identiques aux prix observés en réalité. Aussi, une hausse plus forte que prévu des prix du pétrole comme un euro poursuivant sa chute constituent des « risques à la hausse » sur l’inflation et la croissance, ce que Mario Draghi ne devrait pas manquer de souligner ce jeudi.