Telle la courbe inéluctable du vieillissement, le poids de l’allocation personnelle d’autonomie (APA) est plus important dans certains départements ruraux. Après la compensation de l’Etat, le « reste à charge » est de 114,4€/hab dans le Lot, 101,8€/hab. dans les Hautes-Pyrénées et 100,4€/hab dans l’Aveyron.
Ce trio de tête est suivi de près par le Cantal (98,4€/hab) et le Gers (95,5€/hab), puis par la Creuse, la Corrèze, l’Ardèche et l’Allier (entre 84 et 91€/hab). Neuf départements au profil semblable : ruraux, éloignés des métropoles, mais également proposant un cadre de vie agréable à des prix accessibles.
« Non seulement le reste à charge est important, mais en plus ce sont les mêmes départements qui ont moins de dynamique fiscale pour y faire face, c’est donc la double peine », explique le DGS du Cantal, Stéphane Sautarel.
« La structure de la population ne peut faire que l’APA est plus forte ici qu’ailleurs en France. Sans doute, comme pour les autres départements, le revenu moyen par habitant est aussi plus faible qu’ailleurs, il y a donc des sommes plus importantes à donner pour l’APA », explique le président du conseil départemental de l’Aveyron, Jean-François Galliard.« Dans l’Aveyron, le taux de chômage est de 7,5%, c’est normal que nous ayons moins de RSA à verser qu’ailleurs, cependant le RSA augmente de 8% chaque année », précise-t-il.
Les dépenses totales APA dans l’Aveyron s’élevaient à 46M€ et 45M€ en 2014 et 2015, en légère baisse à 43M€ en 2016. Les compensations de l’Etat, elles, sont passées de 14M€ en 2014 et 2015 à 17M€ en 2016. Le reste à charge des trois allocations solidarité s’élève à 43M€.
Dans les départements concernés, d’autres facteurs s’ajoutent au vieillissement naturel de la population. Le président du conseil départemental du Lot, Serge Rigal explique :
« Les départements ruraux sont plus vieillissants que les urbains, ceci est amplifié par un autre phénomène : beaucoup de gens viennent se retirer chez nous, parce qu’il fait bon vivre. Ce sont des personnes qui ont fait leur vie professionnelle ailleurs, notamment dans les grandes villes, ils ont créé de la richesse ailleurs, et viennent profiter de leur retraite dans des départements comme le Lot. C’est pour cela que nous revendiquons que la solidarité nationale prenne en charge ce financement. Il n’y a que la péréquation qui peut équilibrer la situation. »
« Il n’y a pas que du négatif. C’est une dépense importante, mais c’est aussi une économie résidentielle et une traduction en termes d’emplois et de services rendus à la population », souligne pour sa part la DGS des Hautes-Pyrénées, Chantal Bayet.
Pour preuve, un chiffre : les prestations à domicile représentent 1,5 million d’heures de travail. « Certes, ce sont des sommes importantes. Nous essayons d’être très rigoureux pour allouer ce que l’on doit », ajoute Chantal Bayet.
« La loi d’Adaptation de la société au vieillissement (ASV) a revu les critères et imposé de reprendre tous les plans d’aide. Cela a provoqué des tensions fortes sur nos effectifs, car cela demande du temps de travail en plus pour nos équipes, et la situation ne nous permet pas de recruter », explique-t-elle.
Dans de nombreux départements, des efforts sont réalisés pour favoriser le maintien à domicile. Il coûte moins à la collectivité et il est de plus souhaité par beaucoup de personnes âgées. « Avant d’être une charge financière pour les collectivités, l’APA est une chance pour les personnes âgées qui peuvent dorénavant vieillir dignement à leur domicile et près de leurs proches et conserver une vie sociale ou une activité. Bénéfique à l’espérance de vie, l’APA est aussi avantageuse pour certains bénéficiaires qui n’ont pas les moyens d’aller en maison de retraite », assure le cabinet du président du conseil départemental du Gers.
« Pour la collectivité, le maintien à domicile des personnes âgées reste moins coûteux que le placement en EHPAD (que paye parfois le Département au titre de l’aide sociale). Ramenée à un coût journalier, l’APA représente une dépense de 13€ par jour quand le prix moyen d’une journée en maison de retraite est de 55 € dans le Gers », ajoute-t-il.
Mais la véritable solution reste nationale. Chantal Bayet assure :
« Nous avons un reste à charge de 30M€, or un point de fiscalité dans les Hautes-Pyrénées représente 700k€. La population augmente, le nombre de dossier ne cesse de croître -c’est un bel endroit pour passer sa retraite aussi- à un moment donné on se dit que malgré notre bonne volonté et des effets positifs, ça devient de plus en plus compliqué. »
Le plan de soutien mis en place par l’Etat n’a-t-il pas pallié, au moins en partie, cette problématique ? Pas du tout, si on croit le leader du peloton APA, le Lot, qui ne perçoit rien. « Nous avons le plus gros reste à charge APA et nous n’avons pas un centime, parce que nous avons trop bien géré. Comment on va le financer ? Il n’y a pas à bricoler, la solution ne peut être que nationale. Je ne comprends pas comment le gouvernement peut proposer de prendre en charge le RSA, qui a besoin d’une dynamique, et pas le reste. Cela ne durera pas longtemps. A un moment où un autre on ne sera plus en capacité de financer », explique Serge Rigal.
Dans le Lot, le poids de l’APA s’élève à environ 16% du budget de fonctionnement.
« La seule solution, et c’est vrai pour l’ensemble des Allocations individuelles de Solidarité (APA, PCH et RSA,) c’est que les dotations de l’Etat (pour l’APA, la dotation de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie, ndlr) soient revues à la hausse et a minima que leur progression s’aligne sur la progression des dépenses des départements », explique-t-on au Conseil départemental de l’Allier.
Dans l’Allier, il a fallu augmenter les impôts et recentrer les compétences : « Depuis 2013, l’État doit au département 230 M€ au titre des allocations de solidarité. Le Département a donc dû assumer cette somme. En conséquence, il a fallu réduire les dépenses, en réalisant en urgence des économies de fonctionnement sans précédent en 2016, en recentrant les actions départementales sur ses compétences obligatoires et en augmentant les recettes issues de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Cette augmentation correspond au paiement de l’ensemble de ces allocations au mois de décembre 2016. »