L’état des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD) va s’appliquer à tous les gestionnaires d’Ehpad dès 2017. Cécile Lambert, de la DGCS, et le consultant Yannick Ollivier, ont expliqué l’intérêt de ce nouvel outil budgétaire, lors des Assises nationales des Ehpad, fin mars, et notamment la « fusion » des trois sections tarifaires. Une manière de responsabiliser davantage le gestionnaire, même s’il reste inféodé au positionnement de son département sur la dépendance et l’hébergement…
Dans la lignée du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), l’EPRD est prévu à l’article 58 de la loi « vieillissement » dans le cadre de la réforme de la tarification des Ehpad. Les décrets d’application définissant le contenu de l’EPRD, son calendrier de dépôt ou encore de validation, sont toujours dans les tuyaux, le sujet faisant notamment l’objet d’une réunion de concertation avec les fédérations d’établissements ce 5 avril.
Néanmoins, ce nouvel outil budgétaire est globalement une cause entendue, qui doit donner toute sa cohérence au nouveau cadre de contractualisation qu’est le CPOM, lequel va se substituer aux conventions tripartites d’ici à 2021.
Mais attention, ont rappelé les intervenants d’un débat sur le sujet aux Assises nationales des Ehpad, organisées à Paris les 29 et 30 mars par la société EHPA: le modèle de l’EPRD s’impose sans attendre la signature effective du CPOM, pour la simple raison que l’équation GMPS sur la partie « soins » deviendra opposable au 1er janvier 2017.
Cécile Lambert, sous-directrice aux affaires financières et à la modernisation à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), a en tout cas, lors des Assises, confirmé le calendrier. Comme prévu, l’objectif reste « d’être prêt pour 2017, d’envoyer ces textes en juin au Conseil d’Etat pour une publication en septembre ou en octobre 2016« .
Elle a aussi acté l’EPRD dit « global », soulignant le fait que la réforme n’a d’intérêt « que si l’EPRD porte sur l’ensemble des sections » (hébergement exclu dans le cas des Ehpad commerciaux).
Il s’agit donc de « modifier les règles de dialogue budgétaire annuel et le cadre de présentation des budgets ». Ce qui va changer? « Le directeur [d’Ehpad] recevra une notification de sa ressource forfaitaire, établira sa proposition d’EPRD pour ensuite une validation probablement tacite des autorités de tarification », a détaillé Cécile Lambert, selon laquelle cet outil constitue « un cadre d’autonomie, de responsabilisation du gestionnaire mais dans un cadre contractualisé, pour avoir un dialogue précis avec les tutelles. »
« Responsabilisation » des gestionnaires
Pour Yannick Ollivier, consultant comptable et financier au sein du cabinet Fiteco, l’EPRD se rapproche de ce qui a déjà été mis en place dans le secteur sanitaire.
Sur la partie technique, il a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas uniquement de « remplissage ». En effet, il a rappelé que jusqu’ici, « l’objectif était de présenter un budget, négocier et aboutir à la tarification ». L’EPRD ouvre une nouvelle logique: « L’enjeu n’est pas d’aboutir à une tarification, puisqu’elle est déjà présente. On part des ressources et on se retrouve dans une démarche de responsabilisation ». Il s’agit de se demander: « Compte tenu des recettes attendues, voici comment je vais dérouler les dépenses que je vais engager pour faire tourner l’Ehpad et assurer son équilibre. »
Par « équilibre », on entend « un équilibre financier assurant la pérennité de la structure ». Ainsi, « l’EPRD n’est pas un document d’aide à une négociation » puisqu' »il s’agit de démontrer la capacité du gestionnaire à être responsable ». Au-delà du fait de déterminer un équilibre d’exploitation, il s’agit aussi de « démontrer que l’ensemble des décisions à prendre, en termes d’exploitation, de mode de financement, d’investissement, d’endettement, de modalité d’amortissement… vont assurer cette pérennité sur du pluriannuel. On n’est plus centré sur les charges et les produits, mais sur l’évolution de la trésorerie de la structure », a expliqué le consultant.
Et, preuve ultime de cette autonomie donnée au gestionnaire, l’EPRD permettra de « faire des déficits » (toutes proportions gardées!). Ainsi, Yannick Ollivier l’assure, le nouveau dispositif permet de sortir « d’une supervision » pure et dure des dépenses, pour entrer « dans un dialogue plus constructif » avec les tutelles.
De manière générale, l’EPRD « va amener plus loin dans les questions sur les décisions d’investissement et la structure financière ». Il s’agira « d’identifier dans ce document tout ce qui fait varier la situation de trésorerie », a poursuivi le consultant, comme « les éléments liés à l’exploitation, aux entrées et sorties des résidents ou encore aux choix et aux modalités d’investissement ».
« Peur » du désengagement des départements
Voilà pour la présentation de ce nouvel outil. Dans les faits, beaucoup de questions restent en suspens, notamment la forfaitisation de la partie « dépendance ». Sur ce point, Cécile Lambert ne s’est pas cachée de « relations compliquées avec les conseils départementaux », mais espérait déjà que la proposition faite aux fédérations d’établissements dans le cadre de la concertation, ce 5 avril, « réunisse un assez large consensus ». D’après le projet de texte dont l’Agence de presse médicale (APM) et Gerontonews ont eu copie, ce forfait, à la charge du département d’implantation de l’établissement, est déterminé ainsi:
- le GMP de l’établissement est multiplié par sa capacité installée d’hébergement, dont est déduite la capacité prévue pour l’accueil temporaire
- ce produit est multiplié par la valeur du point GMP départemental déterminée par le président du conseil départemental
- est ensuite soustrait le montant prévisionnel de la participation des résidents, « notamment le tarif journalier afférent à la dépendance opposable aux résidents classés dans les groupes iso-ressources (GIR) 5 et 6 et les tarifs journaliers afférents à la dépendance opposables aux autres départements dans lesquels certains résidents ont conservé leur domicile de secours ».
Aux Assises des Ehpad, la représentante de la DGCS a admis que « l’évolution de la valeur du point est dure à anticiper » et qu’elle « dépendra de l’engagement de chaque département en faveur des personnes âgées ». Cécile Lambert a enjoint à « tabler au moins sur une stabilité ». Elle a argué qu’il faudra « essayer d’éviter », sur la dépendance, « un désengagement brutal des conseils départementaux d’une année sur l’autre », et de « faire en sorte que ce que distribue le département ne soit jamais inférieur à l’année précédente ».
Enfin, le gouvernement souhaite « globaliser le tarif hébergement pour la partie tarifée à l’aide sociale, pour que ce produit puisse être contractualisé dans le CPOM et que la vision pluriannuelle soit complète dans l’ensemble des sections », a-t-elle précisé.
Toutefois, et citant les conseils départementaux à demi-mot, Cécile Lambert a concédé qu’existait la « peur » que la disparition des sections tarifaires dans l’EPRD encourage « le désengagement de certains financeurs », dans la mesure où les textes d’application ne garantiront l’engagement que sur « la négociation de base ».
Elle a par ailleurs confié à Gerontonews avoir « invité l’Assemblée des départements de France [ADF] » à la table de la concertation.