Le contre-choc pétrolier, au cours duquel les prix de l’or noir ont baissé de quelque 30 % en euro depuis juin, contribuerait donc à enfoncer la France et la zone euro. Une vision contestée par Jean-Marc Daniel, professeur à l’ESCP Europe. Ce spécialiste de l’histoire économique rappelle que 1998 a été « une année de croissance exceptionnelle » en France alors que les prix n’ont progressé que de 0,3 %. À l’époque aussi, ceux-ci s’étaient tassés essentiellement à cause d’un contre-choc pétrolier.
« Pour nous, c’est une bonne baisse de prix, l’effet est plutôt de stimuler l’activité, tranche Florence Pisani, économiste senior chez Candriam, spécialiste de la gestion d’actifs. Plus le pétrole baisse, plus cela redonne du pouvoir d’achat aux ménages et donc cela soutient la croissance. Il y a un effet direct sur le prix de l’essence, même si le niveau des taxes en limite la portée. »
Un argument politique pour changer la politique monétaire ?
Selon ses calculs, une baisse de 30 % des prix du pétrole entraîne une diminution de 0,3 à 0,4 point de l’inflation en zone euro ce qui fait autant de pouvoir d’achat en plus. Les ménages ne sont pas encore prêts à retarder leurs achats, ajoute son collègue Anton Brender, chef économiste de Candriam, pour qui les ménages mettent du temps à intégrer les baisses de prix dans leurs prévisions. Elles contribuent en revanche au redressement des marges des entreprises françaises qui ont beaucoup souffert… justement à cause de la hausse des prix de l’énergie.
Pour les deux économistes, la baisse des cours du pétrole va en fait servir d’argument politique à Mario Draghi pour justifier l’emploi de l’arme atomique de la politique monétaire. Engagé dans un bras de fer avec le conseil des gouverneurs sur la nécessité d’un programme de rachat de dettes publiques de la zone euro, le président italien de la Banque centrale européenne « se sert de cette désinflation des prix de l’énergie pour faire passer une décision sur laquelle les marchés comptent », mais dont les Allemands ne veulent pas. Pour soutenir la croissance en zone euro, Mario Draghi doit en effet s’assurer de la pérennité de la baisse de l’euro, gage d’une meilleure compétitivité et donc d’une relance des exportations. Il doit aussi tenter de relancer le crédit aux entreprises et aux ménages.
Le risque d’une véritable déflation serait donc exagéré. En France, la consommation des ménages résiste, comme l’a montré l’Insee dans sa dernière note trimestrielle. Quant à leur dette, elle reste contenue par rapport à leur revenu. Et les salaires peuvent difficilement baisser en valeur absolue. Anton Brender souligne également que la consommation progresse dans la zone euro, sauf aux Pays-Bas, où les ménages se désendettent péniblement après l’éclatement d’une bulle immobilière, ainsi qu’en Espagne. Pour l’économiste, la situation espagnole devrait toutefois s’améliorer grâce au retour de la croissance, ce qui devrait soutenir les revenus des ménages.
Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’avenir est rose pour la zone euro. Le risque de voir l’économie enfermée dans une période d’activité et de croissance faible est bien réel.