L’année 2015 s’annonce encore chargée sur le marché de la dette souveraine. Les Trésors n’ont pas tous dévoilé les montants de titres de moyen et long terme qu’ils projettent de placer sur les marchés, mais, selon les estimations des analystes, les Etats de la zone euro vont emprunter plus de 900 milliards d’euros : 914 milliards selon Natixis, 959 milliards selon Société Générale, 915 milliards pour l’équipe de RBS. Des sommes pas très différentes de celles émises cette année.
L’exercice 2015 présente trois grandes caractéristiques : un recul des déficits au niveau de la zone euro, une augmentation des montants de dette à rembourser et un regain d’activité de la part des pays ayant bénéficié d’un plan de secours pendant la crise de la zone euro. Les économistes de Natixis estiment que le déficit budgétaire de l’ensemble de la zone euro s’élèvera à 2,4 % contre 2,7 % en 2014. L’offre de dette nouvelle (celle qui sert uniquement à financer les déficits) va donc sensiblement reculer. Elle atteindra 268 milliards d’euros selon Natixis, soit une baisse de 13 %. Les Etats membres sont donc essentiellement écrasés sous un fardeau hérité des années de crise : ils font face à pas moins de 650 milliards d’euros de dette à rembourser en 2015.
Parmi les pays qui devraient faire un retour en force sur les marchés, on compte notamment l’Irlande, qui, selon RBS, va émettre 17 milliards d’euros contre 12 milliards en 2014. Les analystes de la banque estiment par ailleurs que la Grèce va émettre 12 milliards d’euros, près de 3 fois la somme levée cette année. « Notre scénario est celui d’un retour de la Grèce sur les marchés à partir du mois de mars, avec le concours d’une ligne de crédit fournie par le Mécanisme européen de stabilité et sans que de nouvelles élections aient été convoquées, souligne Marco Brancolini de RBS. Mais il y a un risque élevé […] et il n’est pas exclu que les émissions obligataires soient bien plus limitées. » Les taux d’emprunt à 10 ans de la Grèce évoluent actuellement à 8 %. « Les choses peuvent changer très vite s’il y a un accord avec la troïka. En outre, comme les autres emprunts d’Etat européens offrent des rendements faibles, la Grèce trouvera assez facilement des acheteurs sur le marché primaire », juge Cyril Regnat, chez Natixis.
Comme toujours, c’est l’Italie qui arrive en tête du palmarès des plus gros émetteurs de dette, avec un montant estimé entre 255 et 260 milliards d’euros, soit une baisse de 3 à 4 % par rapport à 2014 (selon RBS et Natixis). La France reste le deuxième emprunteur de la zone euro, avec un volume estimé à 215 milliards d’euros (en données brutes). C’est le seul pays de la zone euro – si l’on excepte ceux qui ont été placés sous tutelle du FMI et de l’UE – à emprunter davantage en 2015 d’après les analystes. L’Allemagne, le troisième émetteur de dette, lèvera entre 155 et 165 milliards d’euros. Avec un budget à l’équilibre, le pays ne fera appel aux marchés que pour refinancer sa dette ancienne.
Les conditions de financement devraient être favorables en 2015 : en effet, la Banque centrale européenne semble vouée à acheter de la dette publique, d’après nombre d’observateurs. « Les taux devraient rester proches de leur plus bas historiques, car la politique monétaire sera très accommodante tant que la reprise ne se sera pas matérialisée. Cela devrait se traduire par une demande soutenue pour les titres de plus long terme et pour les signatures moins solides », estiment les équipes chargées du primaire chez Société Générale. Pour Cyril Regnat, chez Natixis, l’Allemagne pourrait emprunter à taux négatif jusqu’à 5 ans (contre 4 aujourd’hui) et l’Espagne verra son taux à 10 ans tomber à 1,35 %. Il prévient néanmoins : « Lorsque la Fed relèvera ses taux directeurs, les taux allemands risquent de remonter avec les taux américains. »