Les hôpitaux doivent être prudents par rapport aux nouveaux outils de financement des investissements, comme les émissions obligataires et les billets de trésorerie, en raison de leur complexité, de la nécessité de les maîtriser dans la durée et de leurs coûts d’utilisation, a estimé le sous-directeur « banque et financement d’intérêt général » à la direction générale du Trésor à Bercy, Corso Bavagnoli.
Il a été auditionné fin novembre par la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de l’Assemblée nationale sur la dette des établissements publics de santé, dont la rapporteure est Gisèle Biémouret (PS, Gers). Le rapport est attendu pour juin 2015.
Même s’il juge utiles les nouveaux produits que peut ouvrir la réglementation pour diversifier les sources de financement des établissements de santé, Corso Bavagnoli a appelé à la prudence.
Pour lui, les obligations et les billets de trésorerie « doivent être réservés à des gens qui savent les manier ».
S’agissant des émissions obligataires qui se développent dans le secteur hospitalier, il a jugé que c’était un bon dispositif mais il lui semble nécessaire de fixer certaines limites.
Les hôpitaux et les collectivités locales optent pour un remboursement in fine, sans amortissement au fil de l’eau, et ce choix atypique nécessite une situation solide des établissements, a-t-il remarqué.
Le jour où ils devront rembourser les obligations, ils devront avoir des crédits bancaires qui prennent le relais ou faire une émission obligataire, a-t-il souligné. « Ca peut créer des incidents, donc il faut savoir planifier sa trésorerie à suffisamment long terme », a-t-il ajouté en appelant à réserver ce financement aux établissements qui ont une « surface financière » suffisante.
S’agissant de l’émission de billets de trésorerie, la loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, ouvre la possibilité pour certains CHU de se financer par ce dispositif.
Les textes d’application ne sont pas encore parus, note-t-on. Dans son rapport sur la dette des hôpitaux, rendu public en avril, la Cour des comptes a préconisé que les trois premiers CHU de France (Paris, Lyon et Marseille) puissent expérimenter l’émission de billets de trésorerie.
Pour Corso Bavagnoli, il s’agira aussi d’un marché à maîtriser. « On a un débat en interne [entre ministères] pour savoir à qui il faut le réserver », a-t-il expliqué. « Pour nous, il faut le réserver aux gros hôpitaux qui ont la capacité suffisante » et selon plusieurs critères.
Un des points de vigilance à avoir par rapport à ces nouveaux outils « intéressants », porte sur les frais de gestion, a-t-il souligné. Ils « paraissent attractifs car ils sont moins chers que les crédits bancaires mais en réalité, ils sont très coûteux en frais de gestion ».
« Beaucoup de frais n’apparaissent pas immédiatement mais se déploient dans la durée » car « la réglementation a mis toute une série d’obligations pour protéger l’épargnant », a expliqué le représentant de la direction générale du Trésor. « Ces coûts-là doivent être intégrés ».
Pour lui, ces nouveaux outils doivent être déployés « de manière contrôlée et étape par étape », en élargissant progressivement le périmètre.
Débat sur les lignes de trésorerie
Interrogé sur les lignes de trésorerie à court terme, Corso Bavagnoli a observé qu’un débat existait.
« Il y a aujourd’hui un marché global de ligne de trésorerie pour les hôpitaux mais du côté de la sphère publique, il y a une réflexion sur une interdiction à moyen terme du recours à une ligne de trésorerie », comme le préconisait notamment l’Inspection générale des finances (IGF).
Certains pensent que des efforts de gestion pourraient supprimer la nécessité de crédits à court terme, a-t-il rapporté.
Pour lui, les établissements de santé doivent de toute façon progresser sur le contrôle de gestion et la robustesse de leurs plans de financement. « Une fois que des bons systèmes de gestion seront déployés, on devrait être capable de réduire très fortement le recours à des lignes de trésorerie à court terme » mais cela dépendra toutefois du type de structure.
Pas de stress sur le financement des hôpitaux
Globalement, Corso Bavagnoli a indiqué qu’aucun indicateur général ne relevait actuellement un « stress du financement » auprès des banques pour les hôpitaux.
La dette des hôpitaux a encore augmenté de 15% entre 2011 et 2013, a-t-il rapporté.
Par ailleurs, le montant de la trésorerie centralisée au compte du Trésor a augmenté de 40% sur la même période, a-t-il ajouté.