L’’incendie des emprunts toxiques n’est pas éteint mais le gouvernement a mené ce mardi une vigoureuse offensive contre l’embrasement du front suisse. Suite à un arbitrage du Premier ministre en fin de semaine dernière, Christian Eckert et Marylise Lebranchu ont annoncé le doublement du fonds d’aide aux collectivités. Un volume de 1,5 milliard d’euros sur 15 ans, financé à 60 % par les banques, avait été promis fin 2012 pour financer les frais de désintoxication des dettes toxiques des collectivités, jusqu’à un niveau de 45 % des indemnités. Une mesure également décidée pour les dissuader de faire des recours en justice contre les banques et indirectement l’Etat.
Le fonds destiné aux hôpitaux, initialement doté de 100 millions d’euros sur 3 ans passe à 400 millions sur 10 ans. Soit une aide de 66 millions d’aide annuelle les trois premières années. « Nous avons fait le choix d’aider en priorité les établissements de petite taille », a déclaré Marisol Touraine dans un entretien aux « Echos » . « Ces dernières semaines, nous avons commencé à faire remonter les dossiers via les Agences régionales de santé, a-t-elle précisé. Les hôpitaux vont entrer dans le dispositif comme prévu cette année, il y en aura des dizaines, peut-être 50, 70, 80… » Ils seront soutenus pour faire face aux échéances financières, mais aussi pour renégocier leur crédit et obtenir un taux fixe. Cela ne suffira pas à résoudre le problème de la dette des hôpitaux, qui pèse 30 milliards d’euros, avec des intérêts qui vont encore s’alourdir de 35 millions d’euros cette année.
Pour la Fédération hospitalière de France, c’est une excellente nouvelle. « Les 300 millions supplémentaires seront intégralement versés par les banques, c’est un beau succès », explique son délégué général Gérard Vincent, qui se donne un peu de temps avant de renoncer à porter plainte contre l’Etat français devant la Cour de Luxembourg, histoire de vérifier qu’il n’y a pas un « loup ». Jusqu’à présent, le fonds de soutien aux hôpitaux était financé à 75 % par la solidarité entre établissements. Mais « compte tenu des efforts financiers que doivent réaliser les hôpitaux dans le cadre de la maîtrise des dépenses », Marisol Touraine a préféré ponctionner les banques.
Christian Eckert estime que l’effet du décrochage du franc suisse sur les collectivités avoisinera 1,5 milliard, justifiant la rallonge annoncée. D’autres chiffrages évoquent plutôt 2 milliards mais c’est, de toute façon, un effort important que l’Association des maires de France a immédiatement salué.
L’Etat financera ces nouvelles aides en prélevant 50 millions annuels dans son budget et en relevant de 50 millions par an la taxe de risque systémique bancaire. Pour aider les communes, les communautés ou les départements les plus touchés pourront donc bénéficier d’un plafond d’aide plus élevé que prévu mais les deux ministres ont refusé ce mardi d’en préciser le chiffre ainsi que le calendrier. Cette hausse du plafonnement exige en effet une modification légale qui sera intégrée la semaine prochaine dans la réforme territoriale ou plus tard dans d’autres cavaliers.
Dans l’intervalle, Christian Eckert a confié à la Société de financement local (Sfil) qui gère le stock d’emprunt toxique de l’ex-Dexia, le soin de proposer des décalages de paiement aux collectivités les plus menacés à court terme, le temps de roder le fonds d’aide.
Christian Eckert a souligné que Bercy avait mis moins d’un mois pour réagir au décrochage du 15 janvier. Il est vrai que certaines collectivités vont voir leurs charges d’emprunt doubler ces prochaines semaines, le ministre évoquant l’exemple d’une petit commune qui encaisse 20.000 euros d’annuités supplémentaires.
Mais l’Etat cherche tout autant à dissuader les poursuites judiciaires que seraient en train de préparer les centaines de collectivités concernées, en plus des 200 recours déjà lancés. Elles ont jusqu’à la date butoir du 30 avril pour déposer une demande d’aide du fonds. Régis Baudoin, le directeur du fonds de soutien, a précisé ce mardi que moins de 200 dossiers ont été jusqu’ici reçus.
Un conseiller ministériel prévient : « Le 1er mai se dégagera deux groupes d’élus : ceux qui rentrent dans le fonds pour résoudre en douceur le problème et ceux prêts à partir dans 8 à 9 ans de contentieux ».