À l’occasion des 25 ans de Mairie-conseils, la « hotline » des petites communes françaises, la Caisse des dépôts a confirmé sa volonté d’aider les collectivités à passer le cap de la baisse des dotations en développant et en intensifiant son offre d’aide à l’ingénierie de projets, dans tous les secteurs. Avec un petit parfum de Datar ancien régime…
Pierre-René Lemas, le directeur général de la Caisse des dépôts, persiste et signe : la Caisse n’est pas qu’une machine à sous, elle veut accompagner les collectivités dans tous leurs projets d’investissement, que ce soit sur le plan financier ou pour l’ingénierie, avec une vision d’ensemble qui ressemble furieusement à de l’aménagement du territoire. Au point de presque se substituer, sans oser le dire, à un État territorial en repli, dont les élus ne perçoivent guère plus que le bâton : baisse des dotations, fin de l’aide à l’ingénierie (Atesat) pour les petites communes – si l’État semble s’en préoccuper, comme le montre la récente circulaire du ministère de l’Intérieur, il ne paraît guère prêt à mouiller la chemise.
Première mesure : pour son anniversaire, Mairie-conseils, la cellule gratuite d’information et de conseil aux petites communes rurales fondée par la Caisse en 1989, prend de la bouteille. Jusqu’ici concentrés sur les communes de moins de 3 500 habitants, ses agents répondront désormais aux demandes des communes de moins de 10 000 habitants et des intercommunalités, quelle que soit leur taille.
Surtout, ils feront plus que répondre au téléphone (12 000 questions juridiques chaque année) puisque Mairie-conseils ambitionne de se doter d’une plateforme numérique, capable de faciliter les démarches des collectivités et de faire remonter les bonnes initiatives. Les journées d’information et de formation des élus seront désormais déclinées dans toutes les directions régionales, et plus seulement à Paris, « pour se rapprocher des territoires qui ont le sentiment d’une coupure, d’une exclusion face à la dynamique de métropolisation », explique Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires.
Bien sûr, la Caisse continue à offrir ses prêts à taux bas dans le cadre de l’enveloppe de 20 milliards d’euros qui court jusqu’en 2017, et Pierre-René Lemas a confirmé le lancement, dans les semaines à venir, des trois milliards de prêts à taux zéro pour financer la transition énergétique et la rénovation thermique des bâtiments publics, ainsi que la création d’une foncière de 500 millions d’euros dédiés au développement du tourisme dans les territoires.
Mais la vénérable institution veut désormais aller plus loin.
C’est pour cette raison que la Caisse des dépôts, déjà impliquée dans la rénovation thermique des bâtiments publics et la réhabilitation des centre-bourgs, lance un dispositif d’accompagnement de la revitalisation des centre-villes, baptisé « Centre-villes de demain ». Avec comme porte-drapeau, des expérimentations poussées dans une dizaine de villes moyennes : Châlons-en-Champagne, Vierzon, Cahors, Nevers, Valence, Flers, Lunéville, Miramas et Perpignan – une exception puisqu’elle compte plus de 120 000 habitants –, plus « une ou deux » en Outre-mer, annonce Pierre-René Lemas. « Il faut retrouver la dynamique de l’expérimentation, assumer le risque de l’échec ! »
D’une durée de dix-huit mois à deux ans, des conventions de partenariat avec les dix « démonstrateurs » vont être prochainement signées. L’idée – nouvelle pour la Caisse – est d’adopter une approche globale : « Il existe des dispositifs pour tout. Mais ce qui manque, c’est la combinaison des différents leviers en matière de logement, de foncier, de tourisme, de commerce, de mobilité… », explique Pierre-René Lemas. En d’autres termes, une vision stratégique d’aménagement du territoire : « Il faut s’occuper des problèmes d’activité commerciale en même temps que de la politique d’habitat, et pas trois ans plus tard », renchérit Marc Abadie. La Caisse pourrait ainsi financer la rénovation d’hôtels en centre-ville, et aider à l’ingénierie financière, mais aussi juridique et technique des projets. Plutôt que de boucler le tour de table, elle en serait aux manettes.
Les fonds d’épargne serviront également à prendre des parts dans des sociétés d’économie mixte (SEM), pour des projets d’investissements. Mais là encore, avec un petit plus : « Je fais le tour des élus en les encourageant à regrouper leurs SEM, qui sont souvent trop nombreuses et se font concurrence », raconte Pierre-René Lemas. Il faut dire que ce nouvel élan de la Caisse vers les collectivités est la marque personnelle de cet ancien directeur général des collectivités locales (DGCL), qui fut l’un des auteurs de la loi Joxe en 1992, avec Marc Abadie, alors directeur de cabinet d’un certain… Jean-Michel Baylet.
Toutes ces annonces ne peuvent que réjouir l’Association des maires de France (AMF), venue signer une convention avec la Caisse portant justement sur la dynamisation des centre-villes et l’accompagnement des communes nouvelles. « La Caisse des dépôts est aujourd’hui l’un des seuls interlocuteurs qui parle d’aménagement du territoire. L’État n’en parle plus, le CGET n’en parle pas. C’est pourtant bien à l’État, dans sa vocation universelle, de compenser les handicaps économiques, géographiques ou démographiques des territoires ! », souligne François Baroin, le président de l’AMF.
Ce dernier n’a pas manqué d’adresser une pique à Jean-Michel Baylet, venu souhaiter un bon anniversaire à Mairie-conseils, à propos du sujet du moment : la baisse des dotations. « Vous avez eu raison de lister tout ce que fait la Caisse des dépôts pour favoriser l’investissement local. Mais notre problème, et il est absolument majeur, c’est que nous sommes victimes d’un effet de ciseau terrifiant qui devient intenable. Vous pourrez additionner toutes les lignes de crédit possibles, mettre sur la table tous les milliards du monde, vous n’obtiendrez aucun résultat si le taux d’autofinancement des collectivités territoriales se rapproche de zéro, comme cela va se produire en 2017 », martèle le maire (UMP) de Troyes.
L’AMF réclame, une fois de plus, « la seule juste décision » : un étalement de la baisse des dotations, « qui pèse comme une guillotine sur les collectivités locales » – mesure jusqu’ici catégoriquement exclue par Bercy. Le ministre a galamment botté en touche, renvoyant d’éventuelles annonces à la venue du président de la République François Hollande au Congrès des maires, fin mai.