La Banque centrale européenne (BCE) a comblé les attentes en renforçant jeudi son imposant dispositif de soutien à l’économie de la zone euro, toujours minée par la pandémie de Covid-19 et sans certitude sur le rythme de déploiement des vaccins.
Pour leur dernier rendez-vous de l’année, les 25 membres du conseil des gouverneurs ont décidé de muscler le programme de rachats de dette privée et publique (PEPP) lancé en urgence face à la première vague du Covid-19, en mars.
L’enveloppe du programme est portée à 1.850 milliards d’euros, en hausse de 500 milliards et disponible jusqu’en mars 2022, soit neuf mois de plus que prévu.
Cette nouvelle intervention est nécessaire car l’incertitude « reste forte » pour l’économie européenne, a souligné l’institution de Francfort. Elle s’inquiète à la fois de la persistance de la pandémie et du calendrier de déploiement des vaccins.
Pour les gardiens de la zone euro, l’année 2021 sera encore largement placée sous le signe du Covid-19 et ils entendent aider les ménages et les entreprises à passer ce cap.
« Sur la base de ce que nous savons aujourd’hui, nous avons de bonnes raisons de croire que la fin 2021 permettra d’atteindre l’immunité collective », a décrypté la présidente de la BCE, Christine Lagarde, lors d’une conférence de presse.
Mais la couverture vaccinale va prendre du temps et, dans l’intervalle, « on ne peut exclure de nouvelles résurgences de l’épidémie avec des défis pour la santé publique et les perspectives économiques », a-t-elle averti.
En complément du programme d’urgence, la BCE a pioché dans le reste de sa boîte à outils monétaires: les prêts géants et ciblés aux banques (dits TLTRO) vont être prolongés à des conditions restant favorables et le « QE » (« Quantitative Easing », un programme de rachat de dette plus ancien) va être poursuivi sans date butoir.
La BCE « n’a pas dégainé un nouveau gros bazooka mais une extension bien conçue de tous les instruments connus pour assurer que le niveau actuel de souplesse monétaire soit prolongé au moins jusqu’au printemps 2022, en espérant que le vaccin aura fait son travail d’ici là », estime Carsten Brzeski, analyste de la banque ING.
Depuis le début de la pandémie, le BCE a joué un rôle clé en rachetant massivement les dettes émises par les gouvernements européens pour permettre aux Etats de s’endetter à bas coût. Elle a aussi régulièrement appelé les dirigeants européens à prendre le relais pour aider l’économie.
De ce point de vue, une éclaircie est venue jeudi soir de Bruxelles où les Vingt-sept ont trouvé un compromis pour débloquer le plan de relance post-Covid de 750 milliards d’euros.
La Hongrie et la Pologne y mettaient leur véto depuis plusieurs semaines pour s’opposer à un mécanisme conditionnant le versement des fonds européens au respect de l’Etat de droit.
Les milliards de l’UE, sous forme de subventions et de prêts, ne seront pas de trop alors que la résurgence de la pandémie cet automne pèse de nouveau sur l’activité économique.
La BCE, qui a publié jeudi de nouvelles prévisions économiques, table sur une reprise de la croissance plus lente que prévue. Après la profonde récession attendue à 7,3% pour l’année en cours, l’institut de Francfort prévoit une croissance du PIB de la zone euro de 3,9% en 2021, 4,2% en 2022 puis 2,1% en 2023.
Christine Lagarde a également exhorté les Etats à accompagner la reprise en « consacrant de l’argent public aux dépenses productives ».
C’est un signe que « la BCE est bien consciente des limites de ses outils et de leur efficacité et qu’elle parie plutôt sur une réponse budgétaire énergique et ciblée au niveau national et européen », souligne Silvia Dall’Angelo, économiste chez Federated Hermes.
L’institution monétaire est d’autant plus contrainte d’inscrire dans la durée sa politique monétaire avantageuse que le risque de déflation continue de planer sur la zone euro, alimenté par un euro fort qui va être surveillé « de très près », selon Mme Lagarde.
La BCE voit l’inflation progresser de seulement 0,2% en 2020 puis reprendre très lentement jusqu’à atteindre 1,4% en 2023, soit toujours loin de l’objectif d’une inflation proche de 2% après lequel la BCE court depuis 2013.
Source : www.boursorama.com