La décision de la Banque Nationale Suisse (BNS) du 15 janvier d’abandonner l’arrimage fixe entre le franc et l’euro n’en finit pas de semer le trouble, tant dans la classe politique que dans les milieux économiques.
Ainsi, une note des Conseillers fédéraux (ministres) de l’Economie et des Finances recommandant de « coordonner la politique monétaire et la politique économique sur le plan du contenu et de la communication », et envisageant l’éventualité « d’examiner à la rigueur un nouveau taux plancher » a fuité dans la presse, déclenchant l’émoi au gouvernement. Pour deux raisons : d’une part, parce que le Conseil Fédéral ne doit pas se mêler de politique monétaire. D’autre part, parce que les discussions au sein du Conseil Fédéral sont censées rester confidentielles.
Publiée jeudi dans la « Handelszeitung », l’information selon laquelle les Conseillers Fédéraux plaidaient pour une nouvelle fixation des taux a été immédiatement démentie par le porte-parole du gouvernement : « Cette affirmation est fausse. » Car si la note existe bien, la citation était tronquée, et posait une condition : que «La crédibilité de la BNS sur le marché des devises soit préservée». Or, les experts s’accordent pour dire que la réintroduction d’un taux plancher entamerait justement la crédibilité de la banque centrale.
Fin de l’épisode ? Bien au contraire ! Plusieurs partis ont imposé à l’agenda du Parlement une discussion sur le taux de change. Enfourchant l’un de ses chevaux de batailles, la puissante UDC (extrême-droite souverainiste) réclame des baisses d’impôts et un mouvement de simplifications administratives de grande ampleur pour réduire les effets négatifs du franc fort sur l’industrie exportatrice. Les Verts craignent que les difficultés annoncées (recul de la croissance et hausse du chômage) entravent le passage désiré vers une stratégie énergétique plus propre. Mais seul le groupe socialiste réclame un taux de change minimal de 1,15 CHF (contre 1,20 avant le 15 janvier).
Dimanche, l’hebdomadaire « Schweiz am Sonntag », citant des sources proches de la banque centrale, évoquait pour sa part l’hypothèse d’une baisse des taux de la BNS encore plus loin en territoire négatif si le franc évoluait « dans la mauvaise direction ». Le journal a mentionné un taux de -1,5%. La banque centrale n’a pas voulu commenter.
Parallèlement, les entreprises exportatrices semblent s’orienter de plus en plus vers des économies, voire des licenciements, affirme un sondage du cabinet Mercer publié dans « Le Temps ». « 33% des entreprises suisses envisagent de licencier. 8% disposent déjà de plans concrets » indique l’institut.Les 62 entreprises interrogées sont des grandes sociétés. 19% sont actives dans le secteur des sciences de la vie, 17% dans les biens de consommation, 14% dans les hautes technologies, 6% dans l’énergie, 3% dans les services financiers. Ces perspectives font hurler certains patrons. « C’est du pipeau. Beaucoup d’entreprises utilisent la décision de la BNS pour améliorer leurs marges. Les plans avaient déjà été faits. Le changement de politique n’est qu’un prétexte », dénonce le groupement suisse de l’industrie mécanique.
À noter : La Banque nationale suisse a dégagé un profit de 38,3 milliards de francs (35,7 milliards d’euros) en 2014, dopé par un gain de 34,5 milliards sur ses positions en monnaies étrangères et par une plus-value de 4,1 milliards sur le stock d’or.