La Banque nationale suisse (BNS) n’avait pas les reins aussi solides qu’elle croyait. Le 15 janvier dernier, elle surprenait les marchés en annonçant l’abandon du taux plancher de 1,2 franc pour 1 euro : une politique qui coûtait très cher sur le long terme, surtout compte tenu des risques de Grexit. Hier, l’institut d’émission suisse a annoncé une perte de 50,1 milliards de francs au premier semestre 2015. L’appréciation du franc qui a suivi cette décision choc a entraîné des pertes de change sur l’ensemble des monnaies de placement, indique la BNS.
Ces pertes viendront alimenter les critiques qui, régulièrement, regrettent cette décision, notamment pour ses conséquences sur les entreprises suisses, fortement tournées vers l’export. La dernière en date provient de Patrick Artus. « Je pense que la Banque nationale suisse a fait une erreur de stratégie en abandonnant le taux plancher. Ce plancher était devenu crédible sur les marchés financiers », affirmait lundi dernier le chef économiste de Natixis à la radio publique suisse RTS. Et d’ajouter : « Un industriel ne peut pas ajuster ses coûts à la baisse de 15 % très rapidement. C’est la première fois qu’on commence à voir un problème industriel en Suisse, avec une chute et une délocalisation des investissements qui ne sont pas compensés par d’autres morceaux de l’économie. » Cela faisait trois ans que la BNS soutenait artificiellement sa monnaie à la baisse par rapport à l’euro.
Ce revers de la BNS aura aussi des conséquences pour les collectivités publiques, Etat fédéral et cantons, qui bénéficient du versement d’un dividende de 1 milliard de francs de la part de celle-ci, pour autant qu’elle fasse des bénéfices. « C’est une réalité à laquelle nous nous étions préparés. Nous ne nous attendions pas à un versement pour l’exercice 2015 et il faudra anticiper aussi une amputation des dividendes pour 2016 et 2017 », assure Charles Julliard, ministre du canton du Jura et membre du comité de la Conférence des directeurs cantonaux des Finances. Celui-ci s’attend d’ailleurs « à ce que la pression de la BNS s’accroisse sur les cantons et la Confédération pour qu’ils renoncent à ces versements ». Rendez-vous est pris : en 2017, quand la BNS et les cantons, qui disposent d’une large autonomie financière, renégocieront – sans doute dans la douleur – la convention qui règle le versement de dividendes.