28 - 01 - 2015

Le franc suisse redécouvre l’implacable loi de l’offre et de la demande. Source : lesechos.fr

Grandeur et misère des changes flottants, le franc suisse évolue désormais autour de la parité avec l’euro depuis la décision controversée de sa banque centrale.

Quinze jours après son entrée dans une nouvelle ère, celle des changes flottants, la devise helvétique est maintenant surévaluée de 15 % à 30 %, selon les différentes méthodes de calcul. L’euro évolue autour 1,02 franc suisse, contre 1,20 avant la fin de l’arrimage entre les deux monnaies, laissant ressortir une hausse de 15 % de la devise helvétique. « La Banque nationale suisse est intervenue en décembre pour faire baisser sa monnaie pour un montant de 27 milliards de francs suisses et elle en a probablement fait de même ce mois-ci à un rythme encore plus élevé, de plus de 40 milliards de francs », soulignent les stratèges de Nomura.

La parité, ligne de défense officieuse

Selon la BNS, elle aurait du dépenser au moins deux fois plus en janvier (100 milliards de francs suisses), si elle avait dû défendre son cours plancher face à un euro miné par l’action de la Banque centrale européenne. D’après la banque Nomura, le plancher a permis de limiter l’appréciation du franc suisse de près de 1,2 % par mois, mais au prix d’interventions massives et parfois de pertes de change… D’où la décision de la BNS de laisser flotter librement le franc, même si elle ne s’attendait pas à une telle réaction des marchés.

Stabilité financière plutôt que stabilité des prix

En effet, la banque centrale a suscité en une journée la plus forte variation d’une grande devise depuis la fin du système de changes fixes de Bretton Woods en 1971 ! Les sorties de la guerre des changes sont aussi meurtrières que les entrées. Par sa décision surprise, « la BNS a privilégié la stabilité financière (taille de son bilan trop forte) à la stabilité des prix (risque de déflation). C’est une première pour une grande banque centrale », constatent Oliver Harvey et Robin Winkler stratèges à la Deutsche Bank. C’est non pas l’afflux d’argent étranger dans le pays, à la recherche de sécurité, qui a provoqué depuis 2012 la tendance à l’appréciation du franc suisse, mais le ralentissement des sorties de capitaux du pays (investissements directs et de portefeuilles…). « Le plancher a protégé la Suisse contre l’action de ses résidents et non pas contre celle des étrangers », résument-ils. Toutefois, avec le bond du franc suisse, les actifs étrangers sont moins chers, ce qui pourrait provoquer un retour des sorties de capitaux de Suisse, propre à pénaliser la devise du pays, mais sans doute pas de manière suffisante.

La baisse des taux plutôt qu’un nouvel arrimage du franc

La BNS va réagir. Elle va d’abord réviser en baisse ses prévisions d’inflation lors de sa réunion en mars et pousser encore davantage en territoire négatif les taux d’intérêt sur les dépôts, de près de 50 points de base selon Nomura, et enfin élargir l’assiette de leur prélèvement. Un nouveau système d’arrimage de la devise à l’euro ou à un panier de devises paraît moins envisageable. C’est un système contraignant, peu flexible, coûteux et risqué. Cette arme de dissuasion massive, déjà employée, perdrait en outre de son efficacité compte tenu de la perte de crédibilité de la BNS, sortie de la guerre des changes par la petite porte.