Protocole d’accord salarial dans la fonction publique, temps de travail des urgentistes et des internes, fermetures de lits, GHT, succession de Gérard Vincent… Pour Hospimedia, le président de la FHF, Frédéric Valletoux, balaie cette rentrée hospitalière, s’agaçant ouvertement des « injonctions contradictoires » subies par les hôpitaux.
Frédéric Valletoux : Effectivement. On nous demande des économies. On ne l’a jamais nié et on a toujours dit oui. Mais on entend aussi un discours gouvernemental qui dit qu’on va y parvenir sans toucher aux lits. Ce qu’on trouve surprenant mais on est prêt à le croire. Et au final on voit que dans les régions, ce n’est pas du tout ce qui se passe. Au contraire, il y a des plans et des kits aux ARS qui prévoient des fermetures de lits. C’est agaçant. Soit les décisions ne sont pas portées politiquement, soit la machine administrative fonctionne dans son coin pour certains aspects et prend des initiatives en décalage complet avec le Gouvernement. Sur beaucoup de sujets, on est donc aujourd’hui sur des positions claires d’un côté, des décisions qui en sont le contraire de l’autre. D’un côté on esquive les vrais débats, de l’autre on prend des décisions qui fragilisent l’hôpital. Dans un climat budgétaire tendu et dans un climat social qui se tend, on ne peut pas continuer comme ça.
« Avec les urgentistes, le ministère a mis le doigt dans un engrenage qui est dangereux : on ne considère plus les praticiens comme des cadres, c’est une autre manière d’appréhender la place du médecin à l’hôpital. »
F. V. : J’étais début juillet au Conseil commun de la fonction publique pour représenter la FHF. Marylise Lebranchu (ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, NDLR) y a présenté ce protocole. J’ai posé la question de l’évaluation de son coût. Bien sûr que sur le fond on ne peut pas être contre l’amélioration des salaires. Sur le principe, il ne peut donc y avoir d’opposition. Mais vu le contexte financier hospitalier, la moindre décision catégorielle ne peut que peser dans des établissements où 70% du budget relève de la masse salariale. Or personne n’a été capable de me dire dans les administrations, au cabinet de la ministre ni la ministre elle-même quel était le coût de cette réforme. En année pleine, la Cour des comptes chiffre pourtant ce dispositif à 700 millions d’euros (M€) pour les seuls hospitaliers. Ce montant, hallucinant, est-il opportun aujourd’hui ? D’autant qu’il s’ajoute aux 90 M€ alloués aux urgentistes, aux revalorisations accordées aux internes, etc.
F. V. : Quand on a demandé, l’an dernier, de s’intéresser à la mise en œuvre des 35 heures comme levier d’économies pour les hôpitaux, non pas pour toucher aux 35 heures en tant que telles mais aux côtés de la réforme, Marisol Touraine nous a répondu : « Circulez, il n’y a rien à voir !« . Selon elle, il n’y a pas de problème d’organisation du temps de travail à l’hôpital. Pourtant, deux mois après, elle signe avec la première catégorie qui fait grève sur cette question : les urgentistes. Deux heures après le début du conflit, elle lâche un accord estimé à 90 M€. Soit il n’y a pas de problème, soit il y en a mais alors pourquoi plus chez eux que chez les anesthésistes, les radiologues… L’effet boule de neige est inévitable car les urgentistes ne sont pas les seuls à avoir cette organisation du temps de travail. Avec ce texte, on ne considère plus les praticiens comme des cadres mais on entre dans un schéma qui va comptabiliser les heures qu’ils font, spécifier le type de tâche à exercer pendant un quota d’heures. C’est une autre manière d’appréhender la place du médecin à l’hôpital. Et les autres catégories sont toutes légitimes, sur le principe, à réclamer les mêmes mesures. On a mis le doigt dans un engrenage qui est dangereux.
« S’agissant des GHT, sur beaucoup de sujets loin d’être anodins aux directeurs car ils sont leur quotidien, il y a encore beaucoup de flou. Je peux donc parfaitement comprendre leurs résistances, leur agacement. »
F. V. : Depuis un an, on réclame à la ministre de la Santé qu’elle organise une conférence nationale sur les temps de travail pour résoudre les problèmes de manière globale et non pas en les prenant par petits bouts de catégories. Mais elle nous le refuse. Il a fallu que ce soit Manuel Valls, quelques mois après, qui demande une mission sur les temps de travail dans la fonction publique. Ça prouve bien que ce qu’on dit est un sujet pour le Premier ministre. Bon, cette mission, je ne me fais pas trop d’illusion mais elle aura une vertu : faire une photographie car il y a peu d’évaluations qui existent sur le sujet. Nos chiffres à la FHF ne sont pas 100% du panel des hôpitaux. Ce travail va donc objectiver le sujet de la mise en place des 35 heures. Pas pour discuter sur 35, 39 ou 32 heures mais pour voir la réalité du choix pris en 2002. Peut-être qu’il révélera, on en fait le pari, qu’il existe à l’hôpital des situations tellement divergentes d’un établissement à l’autre qu’elles peuvent être pénalisantes, surtout dans des périodes où on demande à tous des efforts. Par contre, le rapport n’arrivera qu’en février 2016, un peu tard donc même si mieux vaut tard que jamais.
F. V. : L’idée du GHT, tout le monde y adhère. J’ai toujours défendu l’approche par le territoire de l’organisation des soins car là où il y a un projet médical commun, il y a forcément possibilité au moins pour l’offre publique de s’entendre et de s’organiser. Mais je vois deux obstacles. D’une part, le calendrier est intenable. Il créé les GHT et ensuite le projet médical partagé. Or c’est carrément le contraire qu’il aurait fallu faire. Laissons le temps aux projets médicaux d’émerger et ensuite seulement, dans le prolongement, on les met en œuvre par une structure de portage unique à deux, trois, cinq voire dix établissements. C’est comme si on disait « Vous allez vous mariez ensemble et ensuite vous allez réfléchir à votre projet de vie« … Et d’autre part, outre ce problème de méthode, la boîte à outils juridiques n’est pas encore très claire avec beaucoup de questions sans réponse sur les règles statutaires, les questions de fusion et de gouvernance. En somme, sur beaucoup de sujets loin d’être anodins aux directeurs car ils sont leur quotidien, il y a encore beaucoup de flou. Je peux donc parfaitement comprendre leurs résistances, leur agacement.
« On a eu plusieurs dizaines de CV, avec un peu de tout. Ce chiffre ne veut donc pas dire grand chose. La plupart des candidats examinés avec attention ont un profil de directeur d’hôpital. »
F. V. : J’ai voulu une procédure collégiale et transparente, validée avant l’été en conseil d’administration. Les différentes étapes doivent effectivement nous amener à un conseil en novembre pour formellement désigner notre nouveau délégué général. Pour cela, j’ai souhaité m’entourer d’avis pour ne pas faire aux administrateurs une proposition seul dans mon coin. Sans compter que le futur délégué aura besoin d’une certaine légitimité. On a eu plusieurs dizaines de CV, avec un peu de tout. C’est normal, l’annonce a été publiée sur plusieurs sites. Des gens ont sans doute répondu sans savoir précisément qu’elle était la nature du poste. Ce chiffre ne veut donc pas dire grand chose. La plupart des candidats examinés avec attention ont un profil de directeur d’hôpital mais pas seulement : certains ont pu être amenés à faire autre chose durant leur carrière. »