04 - 06 - 2015

Le choc obligataire de mai va laisser des traces. Source : lesechos.fr

La chute des marchés de taux a agi comme une piqûre de rappel.Les décisions à venir de la Fed pourraient aussi perturber les marchés.

Un mois après la brutale remontée des taux souverains en Europe, l’onde de choc est encore largement perceptible sur les marchés. Mais c’est surtout la violence du choc qui a laissé des traces. « Le krach a provoqué une anxiété sur le marché, témoigne Eric Bourguignon, chez Swiss Life Asset Managers. Avec l’entrée en fonction du programme de rachat obligataire de la Banque centrale européenne, personne ne s’attendait à ce que le Bund [l’emprunt d’Etat allemand à 10 ans] connaisse une hausse aussi forte sur une période aussi courte. »

Certes, les conditions d’emprunt restent encore très favorables pour les pays de la zone euro – l’Allemagne continue de se financer à taux négatif pour les maturités inférieures à 4 ans -, mais les acteurs du marché ont commencé à tirer les enseignements de cette crise.

à la merci de l’inflation

Du fait de l’action de la BCE, les taux ont été poussés artificiellement bas en Europe, à des niveaux jamais vus. Mais des indicateurs économiques inattendus, comme cela a été le cas en mai, peuvent les faire remonter très rapidement vers leur niveau d’équilibre. Une tendance qui pourrait s’accentuer avec la résurgence de l’inflation en zone euro. « Il est communément admis sur le marché que l’inflation et la croissance en Europe ont connu un point bas en 2014, explique Thibault Prebay chez Quilvest Gestion. Avec une inflation plus forte que prévu et une croissance du PIB qui pourrait atteindre 1,5 % pour 2015, il va être difficile de continuer à maintenir des taux aussi faibles. » Un sentiment partagé notamment par le gérant star du fonds Janus Capital, Bill Gross, qui après avoir vendu du Bund le mois dernier, estime aujourd’hui que les rendements allemands à fin mai 2015 sont encore trop bas de 100 points de base.

La volonté de la BCE

Face à cette situation tendue, la BCE ne relâchera pas ses efforts. Mercredi, lors de sa conférence de presse, son président, Mario Draghi, a confirmé le maintien de la politique de rachat obligataire de la banque centrale. Pour l’institution de Francfort, il en va de sa crédibilité. « Si les taux continuent à monter, ce sera un échec, analyse Eric Bourguignon. La BCE va donc être attentive et mobiliser les montants nécessaires afin de maintenir les rendements à leurs niveaux actuels, voire à les faire baisser. »

La divergence avec la Fed

L’évolution des taux américains ne devrait pas avoir d’impact majeur sur les dettes souveraines. Si la hausse envisagée des taux de la Fed, sans doute en septembre, peut faire redouter un nouveau choc, les acteurs des marchés sont plutôt confiants. « La hausse des taux est déjà bien intégrée dans les prix, d’autant que celle-ci sera a priori faible, explique Eric Bourguignon. L’impact sera donc limité, sauf si l’augmentation se révélait plus forte que prévu, par exemple si la hausse des salaires aux Etats-Unis était plus importante qu’anticipé, et que la Fed souhaitait réagir pour contrôler l’inflation. »

Le sort des périphériques

Conséquence des difficultés de la Grèce, le « spread » (l’écart de taux) entre les pays périphériques et l’Allemagne s’est creusé de façon significative au cours des dernières semaines. Pour l’Italie, par exemple, il est passé de 88 points de base en avril à 128 points hier. Une situation qui pourrait s’aggraver en cas de remontée des taux allemands. Cette hausse des rendements attirerait un afflux de capitaux vers des titres plus sûrs, au détriment des pays d’Europe du Sud qui verraient leur coût d’emprunt augmenter. Une perspective que tempèrent toutefois certains acteurs. « Une résolution de la crise grecque, qui semble être en bonne voie, pourrait permettre aux pays périphériques de bénéficier de conditions plus favorables », explique Alberto Gallo, responsable de la recherche taux européens chez RBS.