Dans son rapport public annuel 2015 présenté le 12 février, la Cour des comptes identifie de sérieux risques pour que le retour cette année à un déficit public de 4,1% du PIB (contre 4,4% en 2014) ne soit pas tenu. La faute probablement aux très faibles rentrées fiscales, du fait de l’absence d’inflation… et aux collectivités locales, soupçonnées de dévoyer la baisse des dotations par des augmentations fiscales et un endettement accru.
« Si les risques identifiés se concrétisent, le retour sous le seuil de 3% du PIB en 2017 sera probablement compromis ».
La crainte énoncée par le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lors de la présentation du rapport annuel 2015 sonne comme un avertissement au gouvernement sur le caractère fragile de ses prévisions budgétaires. Car pour le magistrat financier, ces « risques identifiés » sont nombreux, au premier rang desquels une trop faible inflation, qui pèsera sur les recettes fiscales attendues en 2015.
« Le risque ne se situe pas, comme les autres années, sur la croissance ou les hypothèses d’élasticité des recettes fiscales, mais là encore sur l’inflation prévue », a détaillé Didier Migaud. Car alors que les lois financières prévoient 0,9% d’inflation, la Commission européenne s’attend à une évolution proche de 0% pour l’Hexagone, scénario de plus en plus probable.
Or, si cette très faible inflation « diminue mécaniquement certaines charges (carburant, chauffage) », elle engendrera aussi une importante « perte de recettes fiscale », assure-t-il.
Deux milliards de recettes fiscales locales supplémentaires
Autre risque majeur, selon la Cour, pesant sur la capacité de l’Etat à réaliser les 21 milliards d’euros d’économies annoncés en avril 2014 pour l’année 2015 : « Les conséquences attendues de la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales [qui] demeurent hypothétiques : rien ne garantit qu’elles se traduiront par des réductions de même ampleur des dépenses locales », craint Didier Migaud.
Pour le patron de la Cour, l’inflexion de la croissance des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales (1,8 %, après 2,7 % en 2014) et la diminution des dépenses d’investissement (- 6%), prévues par le projet de loi de finances pour 2015, sont plus qu’incertaines.
Certes, une inflexion « est envisageable car une réduction de l’investissement public local a toujours été constatée l’année suivant les élections municipales », avance prudemment la Cour. Et surtout la baisse des dotations sur les trois ans à venir, dont 3,7 milliards dès cette année, « devraient inciter les collectivités territoriales à réduire la progression de leurs dépenses ».
Mais « son ampleur et son rythme sont néanmoins très incertains », les collectivités locales pouvant compenser la baisse des dotations de l’Etat par des hausses des impôts locaux et par un accroissement de leur endettement, craint la Rue Cambon. Qui rappelle les prévisions du gouvernement : les recettes fiscales locales augmenteraient de deux milliards en 2015.
Deux parades : taxer ou s’endetter
Conséquence : sans compter la faiblesse des rentrées fiscales d’Etat, l’« estimation discutable des économies sur les opérateurs » et « le chiffrage incertain des économies sur les dépenses sociales », « les économies réalisées par l’Etat sur ses concours aux collectivités territoriales ne se traduiront par un freinage de la dépense publique totale et par une réduction du déficit public en 2015 que si les collectivités répercutent la baisse des dotations de l’Etat sous la forme d’une diminution de leurs propres dépenses », insiste la Cour.
Celle-ci prévoit déjà que sa recommandation ne soit qu’en partie suivie par le secteur public local : « Cette répercussion est probable mais elle ne sera vraisemblablement ni intégrale, ni immédiate, notamment parce que la loi de finances pour 2015 a permis aux collectivités locales d’augmenter le taux de certains impôts locaux, comme la taxe de séjour, et qu’elles conservent la possibilité d’augmenter le taux d’autres impôts, comme la taxe d’habitation, ou de s’endetter ».