Dans le feuilleton de la hausse de ses taux d’intérêt, la Fed continue de faire planer le suspense. A l’issue de la réunion de son comité de politique monétaire, le 17 juin dernier, certains investisseurs se sont montrés un peu déroutés, à l’instar de David Ganozzi, chez Fidelity Patrimoine. Pour lui, Janet Yellen, la présidente de la Fed, a « brouillé les pistes ». « En dépit d’indicateurs encourageants ces dernières semaines, la Fed n’a pas jugé bon de mettre les investisseurs sur la piste d’une éventuelle remontée des taux après l’été. » Malgré tout, l’idée d’une première hausse des taux de la Fed à la rentrée de septembre s’impose chez les investisseurs. « Si les récentes données économiques poursuivent sur leur lancée, les colombes de la Fed auront beaucoup plus de mal à résister à une hausse de taux dès septembre, en l’absence d’un choc externe », a ainsi twitté, jeudi, l’ancien directeur des investissements de Pimco, Mohamed El-Erian.
En effet, la plupart des indicateurs qui pourraient entraîner une normalisation des taux directeurs outre-Atlantique sont passés au vert. « Les estimations de croissance atteignent 2,5 % pour 2015 et le pays est entré en plein emploi, avec un taux de chômage inférieur à 5,4 % en mai », souligne Franck Dixmier, chez Allianz GI. Et même si l’inflation est encore bien en dessous des perspectives de la Fed, l’augmentation de la consommation des ménages et une hausse attendue des salaires sont des signaux encourageants.
Si le consensus se dessine autour d’une première hausse en septembre, les investisseurs s’accordent pour juger que celle-ci sera mesurée. « La Fed va progressivement monter jusqu’à un objectif de taux de 1,5 %, mais par petits paliers, de 0,25 % », explique Thibault Prebay, chez Quilvest Gestion. Nous estimons qu’il y aura une première hausse en septembre, suivie a priori d’une deuxième en décembre. Surtout, la banque centrale va se montrer pragmatique et elle évaluera les conséquences de chaque hausse avant de lancer la suivante. »
L’impact de cette hausse des taux sur le marché obligataire devrait également être mesuré. Si les rendements des bons du trésor américain à deux ans devraient gagner 100 points de base d’ici à la fin de l’année, « les taux des Treasuries, les obligations américaines à 10 ans, qui tournent actuellement autour de 2,4 %, devraient atteindre 2,75 % à la fin de l’année et 3 % en 2016 », anticipe Patrick Jacq, chez BNP Paribas.
Assez paradoxalement, une non-intervention de la Fed pourrait avoir des conséquences plus brutales. « Les investisseurs obligataires observent toujours de très près les éléments de politique monétaire, explique Franck Dixmier. S’ils ont l’impression qu’une banque centrale ne prend pas en temps voulu les décisions de resserrement des taux, ils ont tendance à exiger des rendements plus élevés en alimentant un mouvement de vente sur les obligations. » Une protection contre une future hausse plus brutale qu’attendue quand la banque centrale voudra rattraper l’inflation, qui entraîne mécaniquement une hausse sensible des taux moyens et longs. Tout ce que cherche à éviter la Réserve fédérale. Enfin, sur les marchés européens, les conséquences d’une remontée des taux américains devraient être limitées, du moins tant que la BCE poursuivra sa politique de rachat d’actifs.