26 - 10 - 2015

L’hôpital dans le rapport annuel de l’Inspection générale des affaires sociales de 2014

Les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) constituent une mine d’information insuffisamment exploitée bien qu’aisément accessible. Fin 2014, 561 rapports étaient disponibles sur le site internet de la Documentation française(1) et, depuis 2009, sur celui de l’IGAS(2). Nous nous intéresserons ci-après aux travaux de l’inspection présentés dans son rapport annuel de 2014, concernant plus particulièrement la gestion financière des établissements sanitaires et médico-sociaux(3). Dans le périmètre hospitalier, l’IGAS a conduit au cours de cette année :

Des missions d’appui auprès des agences régionales de santé (ARS) pour des établissements identifiés (six missions) ;

Des administrations provisoires d’hôpitaux en difficulté (quatre missions) ;

Des missions d’évaluation de structures ou de services (quatre missions) ;

Des missions au titre du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO) (six missions) (cf. infra)

Ainsi que des travaux portant sur des champs plus larges, dans lesquels les problématiques hospitalières sont présentes.

L’évaluation de la gestion du risque maladie

La gestion du risque maladie vise à rendre plus pertinente et efficiente l’offre et la demande de soins et à contribuer à la maîtrise des dépenses. La politique conduite en ce sens par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) influence directement certaines décisions concernant le financement des hôpitaux (tarification de la chirurgie ambulatoire, prescriptions hospitalières exécutées en ville, transports sanitaires…)

L’IGAS fait un triple constat :

Le champ de la gestion du risque maladie est défini de façon trop vaste et ses actions multiples génèrent de nombreux chevauchements, tant au niveau central, entre le ministère chargé de la santé et l’UNCAM-CNAM, que local, entre les ARS et les organismes d’assurance maladie ;

La conception des programmes ne fait pas suffisamment appel à l’analyse médico-économique et à l’expertise en santé publique et leur suivi, qui s’appuie sur des indicateurs multiples et instables, est mal évalué ;

les méthodes de chiffrage des effets attendus sont peu transparentes et il est quasiment impossible de suivre dans le temps les économies effectivement réalisées.

L’IGAS propose quatre orientations :

  1. Rendre la programmation de la gestion du risque plus cohérente et son pilotage plus unifié autour de programmes intégrés et partagés entre l’État et l’Assurance maladie tant au niveau national que régional ;
  2. Redéfinir quelques programmes prioritaires sur

l’efficience hospitalière centrée sur le développement de la chirurgie ambulatoire ;

l’aval de l’hospitalisation ;

la pertinence des soins ;

l’imagerie ;

les transports.

  1. Mieux étayer la conception opérationnelle des programmes;
  2. Evaluer les programmes de façon plus solide et plus transparente.

Le COPERMO

Le COPERMO, installé suite à la circulaire interministérielle du 5 juin 2013, est chargé:

De valider, en lien avec les ARS, les projets d’investissement hospitaliers, les modalités de leur réalisation et la trajectoire financière correspondante, de diffuser les référentiels et les outils susceptibles de faire progresser les modalités d’évaluation des projets et de favoriser la mise en oeuvre des schémas régionaux d’investissement en santé (SRIS) par les ARS ;

D’assurer la coordination des programmes nationaux d’amélioration de la performance des établissements de santé, de contribuer à la définition des objectifs de ces politiques et de veiller à évaluer leur impact sur le plan de l’amélioration du service rendu aux patients, des conditions de travail des professionnels et de l’efficience de la gestion des établissements ;

D’arrêter, en lien avec les ARS, les modalités du retour à l’équilibre financier des établissements les plus en difficulté.

L’IGAS participe aux travaux du COPERMO selon plusieurs modalités :

son chef de service siège au sein de la formation délibérante ;

un membre de l’inspection participe à l’expertise des dossiers dans le cadre d’un groupe technique organisé en amont des réunions plénières ;

à la demande du COPERMO, des inspecteurs assurent le suivi des plans de retour à l’équilibre, appuient une ARS, voire réalisent une administration provisoire.

Pour les projets d’investissement, après avoir entendu l’ARS et pris connaissance de l’avis du groupe technique, le COPERMO se prononce dans un premier temps sur l’éligibilité du dossier et émet des recommandations pour la suite de l’instruction. Après expertise par le groupe technique, et contre-expertise par le Commissariat général à l’investissement (CGI) pour les projets d’un montant supérieur à 100 millions d’€, le COPERMO examine à nouveau le dossier en vue d’une validation finale. En 2014, 15 dossiers d’investissement ont fait l’objet d’un examen par le comité.

Dans la cadre de l’accompagnement des établissements hospitaliers en difficulté financière, le COPERMO a suivi en 2014 46 établissements qui cumulent un déficit de 550 millions d’€ hors aides financières nationales (60 % des déficits) et ont mobilisé, en 2013, 307 millions d’€ d’aides.

L’évolution des volumes d’activité des établissements de santé : description, déterminants et prévision

Les travaux ont porté sur le champ Médecine – Chirurgie – Obstétrique (MCO) et sur l’ensemble des activités financées à l’activité (séjours, séances, urgences, actes et consultations externes).

Si l’augmentation du nombre de séjours est à l’origine du tiers de la croissance du volume économique, la déformation de la nature même des séjours en explique les deux tiers, notamment en raison de la progression des niveaux de sévérité. Cependant, l’essentiel de la progression de l’activité hospitalière (en nombre) entre 2009 et 2011 provient des séances. Cette forte croissance de l’activité hospitalière s’explique par plusieurs facteurs intriqués, hospitaliers ou extrahospitaliers, jouant dans des sens différents, mais principalement par des changements de pratiques médicales (progrès médical, chirurgie ambulatoire, hospitalisation à domicile etc.) qui expliqueraient un quart de la progression des dépenses en huit ans. La croissance et le vieillissement de la population sont également des déterminants importants et conduisent mécaniquement à une augmentation supérieure à 1 % par an des séjours hospitaliers.

L’évaluation du dispositif relatif au fonds d’intervention régional (FIR) et de son utilisation par les agences régionales de santé

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2012, le fonds d’intervention régional (FIR), mis à disposition des ARS, globalise des crédits auparavant cloisonnés venant de l’État, de la CNAM et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Il s’est vu assigner huit missions axées sur trois enjeux des secteurs sanitaire et médico-social: organisation, performance et prévention. Depuis la LFSS pour 2014, il constitue le 7ème sous-objectif de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté par le Parlement.

L’IGAS relève que la marge de manoeuvre des ARS s’est avérée limitée, la  » fongibilité asymétrique  » au profit de la prévention et des personnes âgées et handicapées, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser des crédits pour un objectif différent de leur affectation initiale, ne pouvant en pratique guère excéder 5 % car le FIR a, pour l’essentiel, repris sur une base historique des dispositifs antérieurs et pérennes, difficiles à remettre en cause. En outre, sa gestion est complexe: le circuit de la dépense, qui peut varier selon les crédits, fait intervenir à la fois les ARS, qui sont les ordonnateurs, et les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) qui sont les payeurs. Enfin, les reports de crédits ont été interdits pour éviter tout dépassement de l’ONDAM ce qui empêche une gestion souple et pluriannuelle des projets.

L’IGAS estime qu’il faut stabiliser le périmètre du FIR autour de ses trois grandes missions, introduire des critères de réduction des inégalités régionales, améliorer son pilotage national, mieux associer ses bénéficiaires, développer son évaluation médico-économique et simplifier sa gestion. Sur ce dernier point, elle recommande d’expérimenter une gestion intégrée par les ARS, de l’ordonnancement au paiement, dans le cadre d’un budget annexe, la dotation de l’assurance maladie étant considérée comme consommée lors de sa notification.

Suivant ces recommandations l’article 56 de la LFSS pour 2015 réorganise les missions du FIR en cinq axes stratégiques qui s’inscrivent dans le cadre de la stratégie nationale de la santé :

  1. Promotion de la santé et prévention des maladies, des traumatismes, du handicap et de la perte d’autonomie ;
  2. Organisation et promotion de parcours de santé coordonnés et amélioration de la qualité et la sécurité de l’offre sanitaire et médico-sociale ;
  3. Permanence des soins et répartition des professionnels et des structures de santé sur le territoire ;
  4. Efficience des structures sanitaires et médico-sociales et amélioration des conditions de travail de leurs personnels ;
  5. Développement de la démocratie sanitaire.

En outre, les modalités de gestion sont simplifiées, les ARS étant désormais investies de la gestion budgétaire et comptable et de l’ensemble des paiements du fonds, à l’exclusion de ceux directement versés aux professionnels de santé. Les ARS pourront, en cas de non consommation intégrale des crédits sur un exercice, les reporter sur l’exercice suivant dans la limite d’un plafond, conformément à la vocation du fonds de gérer des projets de manière pluriannuelle.

Ce nouveau dispositif de gestion entrera en vigueur au 1er janvier 2016 en vue de poursuivre la préparation des modalités de déploiement en 2015. La réorganisation des missions du fonds est, elle, devenue effective dès le 1er janvier 2015.

Le guide pour la construction d’un contrôle des établissements de santé

Les objectifs de ce guide sont de faire progresser à la fois les pratiques des structures inspectées et celles des corps d’inspection, d’harmoniser le dispositif d’inspection-contrôle assuré par les ARS et de contribuer à consolider un système de valeurs partagées entre les acteurs du système hospitalier.

Il est composé de fiches techniques structurées autour des enjeux, des risques identifiés et des exemples de bonnes pratiques. Il s’appuie sur des exemples de standards édictés par des sociétés professionnelles et sur des pratiques rencontrées dans les réseaux territoriaux. Les directions d’administration centrale, l’École des hautes études en santé publique (EHESP), des inspecteurs et contrôleurs et des professionnels exerçant en établissements de santé publics et privés ont participé à son élaboration.

Le guide est structuré en trois parties :

  1. Cadre juridique, définitions et objectifs des contrôles ;
  2. Éléments pour le contrôle;
  3. Référentiels thématiques.

Parmi ces référentiels il faut mentionner celui concernant l’analyse financière. La fiche correspondante présente tout d’abord les données générales du sujet : composantes de l’analyse, techniques mises en oeuvre, sources d’information et documents réglementaires de référence. Elle décrit ensuite les principaux indicateurs mobilisables au nombre desquels la marge brute et la capacité d’autofinancement, les ratios d’endettement et les équilibres bilanciels (fonds de roulement et besoin en fonds de roulement), grâce auxquels il sera possible de comparer l’établissement aux valeurs, disponibles sur Hospidiag, des établissements de même catégorie au niveau national et régional. Enfin, il est proposé une série de tableaux permettant d’analyser la structure financière et l’endettement des établissements. Ce référentiel constitue une bonne synthèse permettant d’établir le diagnostic financier d’un hôpital.

Quelques définitions :

Le rapport comporte en conclusion quelques définitions correspondant aux métiers de l’IGAS que nous rappellerons ci-après :

Le contrôle vise à s’assurer qu’un service, un établissement, un organisme ou un professionnel, se trouve dans une situation conforme aux règles qui le régissent et aux exigences d’efficience requises d’une structure bien gérée.

L’inspection est un contrôle spécifique qui suppose des présomptions de dysfonctionnement et dont les recommandations sont essentiellement de nature corrective.

L’enquête administrative est un contrôle qui a pour but d’enquêter sur la conduite d’un agent ou d’un groupe d’agents sur la base d’informations faisant état de mauvaise gestion ou de violations des règles.

L’évaluation des politiques publiques a pour objet de « rechercher si les moyens juridiques, administratifs ou financiers mis en oeuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés » (décret no 90-82 du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation des politiques publiques).

L’audit interne a pour but d’évaluer l’efficacité des dispositifs de maîtrise des risques de ces organismes et de faire toutes recommandations nécessaires pour améliorer leur performance.

La mission d’appui et de conseil est destinée à apporter à un organisme une assistance méthodologique en vue de concevoir ou de mettre en oeuvre un projet d’une certaine ampleur, ou à gérer une sortie de crise, nécessitant, pour un temps limité, un concours extérieur ou une approche inter institutionnelle. Elle va d’un simple concours temporaire à une administration provisoire.

Notes :

(1) www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics

(2) www.igas.gouv.fr

(3) La liste complète figure en annexe au rapport annuel de l’inspection sur le site www.igas.fr